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UNE FRANC-MAÇONNERIE UNIE… AUTOUR DU GOUVERNEMENT DE NAPOLEON


Le 5 décembre 1804, le Grand Orient de France et la Grande Loge écossaise, fondée à peine quelques mois plus tôt, signent un « acte d’union » qui fait du Grand Orient la seule institutions maçonnique française officielle, reconnue et soutenue par le gouvernement. La famille de l’Empereur et les dignitaires du régime poursuivent ainsi la reprise en main des loges, commencée dès le début du Consulat.

Dans le cadre de sa politique d’organisation des notables au travers de corps intermédiaires contrôlés par le pouvoir, le Premier Consul avait très vite compris le profit qu’il pourrait tirer d’une renaissance de la franc-maçonnerie, malmenée puis interdite pendant les premières années de la Révolution avant de réapparaître officieusement sous le Directoire. Cette renaissance apparaissait de toute façon comme inéluctable et était soutenus par les nombreux maçons de l’entourage du chef de l’État. Mais comme Bonaparte ne donnait jamais rien pour rien, sa protection s’était apparenté dès le Consulat à un donnant-donnant : la reprise des activités de la franc-maçonnerie devrait s’accompagner d’une réorganisation et, quasiment, d’une mise sous tutelle du gouvernement. Se réunir, refaire le monde ou participer aux agapes conviviales ne devait pas s’apparenter à la « licence » et au droit de le critiquer ou de remettre en cause la réconciliation nationale. Mieux, parce qu’ils réunissaient et permettaient le dialogue entre des catégories sociales et politiques disparates, les ateliers devaient être un lieu de fusion.

Renaissance et prise en main

Bonaparte n’était pas, a priori, hostile à la franc-maçonnerie. Même si lui-même ne l’a probablement pas été (on a dit qu’il avait subi l’initiation en Égypte mais sans aucune preuve), il était entouré d’initiés tels ses frères Joseph, Louis, Jérôme et, probablement, Lucien, mais encore Lebrun, Fouché, Talleyrand, Regnier, Champagny, sénateurs (dont François de Neufchâteau), magistrats (dont Muraire, président du tribunal de cassation), conseillers d’Etat, préfets, officiers – prés de 350 généraux de la Révolution et de l’Empire figurent dans les tableaux des loges du Grand Orient dont Kellermann, Murat, Masséna, Brune, Mortier, Soult, Lannes, Perignon ou Sérurier. Charles Bonaparte, père de Napoléon, avait lui-même été initié. Même Joséphine avait été membre d’une loge d’adoption, ainsi que l’établit une lettre explicite de la future impératrice, datant de 1782.

Mais c’est surtout Cambacérès qui apparaissait comme le « protecteur » de l’Ordre. Son engagement maçonnique datait d’avril 1781 (il avait alors vingt-sept ans), époque de son admission dans une loge de Montpellier. Il avait gravi tous les grades et prenait très au sérieux cet engagement philosophique. Pendant les dix premières années de la Révolution, le futur consul, proche ami d’Alexandre-Louis Roëttiers de Montaleau (grand maître du Grand Orient à partir de 1799) y était resté fidèle, aidant autant qu’il le pouvait ses frères dans le besoin et favorisant le rallumage des feux (soit le « redémarrage » des loges) sous le Directoire. C’est ainsi que Cambacérès avait participé, dans les premiers rangs, à la réunion du 22 juin 1799 qui avait vu, en présence de cinq cents maçons, la Grande Loge se fondre dans le Grand Orient. De ce moment, la franc-maçonnerie française avait quasiment retrouvé son unité, encore complétée par l’adhésion du Grand Chapitre d’Arras au Grand Orient, le 27 décembre 1801. Elle allait être à peine troublée par la création d’une loge écossaise, courant 1803, expérience immédiatement arrêtée par un nouvel acte d’union signé quelques jours après le Sacre.

Cette unification allait dans le sens de la politique consulaire visant, comme le déclara Bonaparte au Conseil d’État, à stabiliser les « grains de sable » de la société française en jetant « sur le sol de France quelques masses de granit ». La franc-maçonnerie devait être l’un d’eux. Grâce à l’absorption de la Grande Loge, le Grand Orient était désormais la seule obédience de taille. Le projet d’en prendre le contrôle fut immédiatement caressé. Mais, avant de regrouper les francs-maçons derrière sa bannière, Bonaparte dut s’employer à les maîtriser. Les débats et les divisions de la société ne devaient pas être reproduits dans les loges qui recrutaient largement ou au sein desquelles les maçons revenaient en masse, notamment les émigrés rentrés désireux d’occuper les fonctions d’officiers. L’inquiétude des autorités fut d’ailleurs entretenue par la police qui avertit par exemple, dans un rapport du 3 prairial an VIII (23 mai 1800) : « Les sociétés de francs-maçons sont devenues depuis quelques temps les points de réunions des factieux de tous les partis ».

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A.S.: