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SYMBOLIQUE MAÇONNIQUE DU VIN

Symbolique Maçonnique du vin – Planche maçonnique offerte par Jérôme.

Le vin est au cœur de deux instants maçonniques qui marquent le temps : La saint Jean d’été et notre  banquet d’ordre à la Saint Jean d’Hiver. Cependant en cherchant, on s’aperçoit que ce produit, ce  symbole, fruit de la terre, de la lumière, et du travail de l’homme est présent dans l’histoire de  l’humanité depuis toujours.  vin et spiritualité

Pas assez « vinophile » pour croire que le vin est à la source de toute spiritualité, il est pourtant  rattaché à tous les courants spirituels ou religieux qui composent l’histoire de l’humanité connue.

Depuis la plus haute antiquité, le vin et les religions ont des rapports étroits, indissociables des  pratiques rituelles.

Mais les traces les plus anciennes de la sacralisation du vin, sang de Dieu, n’apparaissent qu’avec le  christianisme.

Thycyclide, politicien grec disait en 400 avant notre ère

« La vigne et l’olivier ont sorti les peuples méditerranéen de la Barbarie ».

Les traces les plus anciennes de viticulture remontent à 6000 ans avant notre ère et se concentrent sur un pourtour méditerranéen, la culture de la vigne, la transformation du raisin en vin trouve ses racines à la frontière entre la Turquie et l’Arménie, près du mont Ararat.

Le mont Ararat ? N’en est-il pas fait mention dans la bible ? N’est-ce point Noé qui planta les premières vignes à cet endroit après le déluge ? On s’aperçoit alors que la vigne, et son travail par l’homme, le vin est en généreusement présent !

L’ancien testament relate la création de l’univers, la venue de l’homme et de la femme, et la grande rupture entre Dieu et les hommes. Les ingrédients nécessaires à son élaboration y sont réunis : La Lumière (le 1er jour), le Ciel, La terre (et donc la végétation), le soleil et la lune (jour et nuit), les animaux, l’homme ! On ne saura jamais si dieu pour se reposer de son labeur le 7ème jour ne se serai pas satisfait d’un vin divin…

Le vin est relaté dans l’ancien testament de manière assez négative, mettant en avant la perte de contrôle de soi, l’inceste, la jouissance démesurée. Le vin est vin serpent, les fait trébucher, les précipite, il s’empare des personnages. Ce n’est qu’inceste, tromperie, perfidie, meurtre.

Noé de retour du grand déluge, le recommencement, la re-création, redevient cultivateur et plante la vigne. Enivré par le vin, il se dénude dans sa tente Cham, son fils, aidés de ses deux fils dont Canaan, viennent le couvrir d’un manteau.( et découvrent la nudité de leur grand-père, la sexualité)

A son réveil, Noé dit « Maudit soit Canaan, qu’il soit pour ses frères le dernier des esclaves ! »(les descendants de Canaan vont peupler Israël et l’actuel Liban/beaucoup d’autres interprétations existent)

Dans le nouveau testament qui relate la venue de Jésus Christ (rapprocher les hommes de Dieu), la naissance de l’église, le travail de propagation du message par les apôtres, et le récit des choses à venir, La position du vin évolue. Il devient dans un premier temps le fruit du travail de l’homme, symbole de la transformation de la nature par l’homme, qui le console de sa propre condition, puis devient symboliquement ce lien entre Dieu, son fils et les hommes, le sang du Christ.

Les Noces de Cana dans l’évangile de Jean. Jésus rentre dans sa trentième année, il est invité à une noce à cana, en Galilée. Le vin vient à manquer, sur l’insistance de Marie, mère de Jésus, il dit « remplissez ces jarres d’eau, puisez et portez-en au maître du repas » L’eau s’était transformé en vin, en bon vin à la fin des noces, au moment où l’on sert un vin moins bon, car les invités sont moins attentif ». Le miracle de l’eau changée en vin symbolisant non seulement le sang du Messie, le don, qui était le moyen d’accès à l’Esprit Saint, mais aussi le fait que le vin était le fruit du vignoble du Seigneur, symbole d’alliance entre Dieu et les humains. Cet évènement marque la propre ordination du Christ, après son baptême dans l’eau, il est symboliquement le cep, et ses disciples des sarments, pas encore la cène.

« Pendant qu’ils mangeaient, Jésus prit du pain ; et, après avoir rendu grâces, il le rompit, et le donna aux disciples, en disant : Prenez, mangez, ceci est mon corps. Il prit ensuite une coupe ; et, après avoir rendu grâces, il la leur donna, en disant : Buvez-en tous ; car ceci est mon sang, le sang de l’alliance, qui est répandu pour beaucoup, pour le pardon des péchés ». Voici l’expression de la toute première Communion, du premier partage, de l’Eucharistie.

Le vin ses effets : 

Il n’est pas inutile dans notre recherche de la compréhension d’approcher l’aspect physique, l’aspect naturel des éléments qui nous entourent. Au même titre qu’un astrophysicien qui s’émerveille à la vision scientifique du monde, le poussant à transcender son questionnement de « pure scientifique » pour se demander ce qui peut bien être à l’origine de ce qu’il découvre, penchons-nous sur l’aspect « physique » du vin.

Les effets psychostimulants des éthyls sur nos capacités cérébrales à imaginer des concepts, et donc spiritualiser (si le verbe existe ?). Le petit whisky que je m’impose en salle humide avant chaque tenue n’est pas innocent : son effet amplifié par un ventre vide permet d’accélérer le passage du profane au sacré, la mise en condition, la tombée du masque, l’évaporation du souci profane.

Il y a du sacré dans le vin, pas seulement pour le poids de sa symbolique culturelle. Le vin est composé d’alcool, fruit de la fermentation du sucre naturel en présence de levures indigènes ou apportées, d’eau, d’acides et de composés phénolique tel que le tanin, l’anthocyane. Ses composantes éthyliques agissent sur le système nerveux, sur le jugement mais aussi sur les fonctions motrices en réduisant l’activité fonctionnelle, la coordination motrice, mais aussi sur l’anxiété et la tension. En quelques minutes, les effets des composantes alcooliques du vin se traduisent par une légère euphorie, une perte partielle de la gêne et l’impression de mieux exprimer ses pensées, ses émotions. L’alcool a des effets à plusieurs niveaux sur les neurones : il modifie leurs

membranes et se lie d’ailleurs directement sur les récepteurs de la sérotonine, plus schématiquement, en diminuant l’activité neuronale, il permet au chlore de porter une charge d’électricité négative qui rend le neurone moins excitable, d’où l’effet sédatif qui facilite l’imagination.

Le vin en Maçonnerie 

Un vieil adage raconte que la Franc-Maçonnerie est née dans une taverne.

Avant d’être un lieu de consommation, comme notre vision contemporaine pourrait nous le faire croire, c’est d’abord un lieu de réunion, hors du monde du travail, hors du monde familial.

Comme une transposition chrétienne du Dieu Janus, un visage regardant le passé, l’autre tourné vers l’avenir, notre Saint Jean d’été fait face ou front à notre banquet d’ordre, la porte des hommes face à la porte des Dieux, ignorant l’instant présent, la brèche que nous travaillons quand nous ouvrons nos travaux. Le raisin devient vin : « grâce à l’action de la lumière transmutant son eau intérieure par incorporation de la force de la lumière » et ceci sur le chemin des Dieux. Le raisin symbolise notre propre travail intérieur, synthèse de deux contraires, l’eau et le feu. Nourriture spirituelle initiatrice de la connaissance et de l’immortalité, il témoigne de l’activité indispensable de l’esprit sur la matière.

Lors de notre Tenue de Saint Jean d’hiver, le vin sert de lien à la cérémonie, il est l’occasion de construire une relation fraternelle hors du temple, le Banquet d’Ordre est l’occasion de resserrer les liens entre membres, lors de Travaux de Table. Nous portons des Santés d’obligations, ou comme dit Socrate, nous buvons pour l’agrément. Cet euphorisant naturel à l’image de son terroir et de son environnement nous aide à nous rapprocher de l’esprit de l’autre. Ce lien est un peu l’hémoglobine de la pensée aboutie que nous cherchons à construire ensemble, symboliquement bien sûr !

Notre frère Théodore Jouenne, sous la restauration a su transcrire cette ambiance :

Un feu divin a pénétré mes sens, Et sous mes doigts déjà frémit ma lyre ! 

Enfants d’HIRAM, secondez mes accents, Et partagez mon sublime délire. 

Chantons, portons jusqu’aux cieux Le tribut d’un amour sincère, 

Et plaignons celui dont les yeux Restent fermés à la LUMIÈRE. 

Le vin n’est pas qu’une boisson, ce révélateur de l’esprit quel que soit sa puissance symbolique, son poids dans notre histoire, est l’expression du travail de l’homme, l’expression du vivant, de la transformation du fugace en durable. Pétrus 1945, Yquem 1921, ces vins enflamment les passionnés, prêt à dépenser des sommes irréalistes pour y goûter, mais pourquoi donc ? Ils sont les seuls à offrir un voyage dans le temps, une brèche dans notre univers spatio-temporel introuvable ailleurs : Y-a-t-il quelque part ailleurs la possibilité de voyager ainsi à travers une gorgée ?

Ses ingrédients séparés et inconsistants quand ils sont réunis se transforment pour créer un tout homogène et expressif, il peut résister à l’usure du temps, et en quelque sorte ébaucher une presque-éternité.

Ce fruit, lui-même fruit de la fermentation nous ressemble étrangement. Une petite graine en terre, la force de la lumière et de la chaleur, une fermentation naturelle, la connaissance des hommes pour la faire évoluer du fruit au nectar !

Emprunté à sa symbolique biblique qui associe l’arbre de vie à la vigne, don de Dieu à Noé pour planter et nourrir l’homme dans le « nouveau monde », cette plante aurait pu contenter l’homme par ses fruits, mais la découverte de la fermentation, la transformation du fruit en une boisson aux vertus déjà citées va modifier son importance. L’utilisation symbolique de la vigne dans la bible n’est pas la seule raison de cette force. Le fruit de la vigne, travaillé, fermenté, puis conservé dans le temps permet une consommation éloignée dans le temps et devient un moteur d’activité pour des communautés entières autour de la méditerranée puis partout en Europe. La force des ordres religieux fut pendant plus d’un millénaire basée sur l’exploitation de la vigne, d’abord sur des terroirs fertiles, puis à proximité des grands centres urbains de l’époque.

La fermentation car c’est bien la fermentation qui nous intéresse, ce procédé est une transformation d’un produit sucré, vivant, périssable, ici le raisin, qui, avec l’assistance des levures, et du lent travail de l’homme, va donner un produit différent, abouti, plus fin, capable de vieillir et infiniment complexe. J’aime comparer cette aventure physique banale mais magique à l’initiation du profane que je fus, puis à sa lente évolution.

Avant d’être reconnu comme tel, Brut de moi-même, sensibilisé à l’idée qu’une vie ne peut être considérée comme accomplie sans cheminement spirituel, je n’en étais pas pour autant capable de cheminer seul, de choisir une direction de travail, d’exprimer mon déficit de savoir, de trouver une méthode pour m’affiner. Il en est de même pour ce grain de raisin qui est soigné, choyé, amené au chai, fermenté, élevé. Pourtant, la vie spirituelle est aussi importante pour la construction de l’homme accompli, ou en voie de l’être, que le reste de sa vie.

Le professionnel, le familial, le religieux, le social sont des composantes essentielles de nos vies. Cependant, qu’en est-il de mon cheminement dans la courses au quotidien, dans la course profane au « toujours plus » ou de nos jours « toujours autant » ?

Qu’en sera-t-il le jour ou par accident ou par maladie, face à l’ultime échéance, pire voire la déchéance, je devrais faire le constat de mon bref passage ?

Quels sont les outils disponibles dans le monde profane pour combler un tel vide ? L’espérance ? Folle espérance ? Je ne vois que le vide, la frustration, le néant, et la peur de se raccrocher à une quelconque vérité révélée en prêt-à-porter…Plutôt que d’espérer en une hypothèse, j’ai eu la chance comme vous, mes Frères de me construire, dans le reflet de vos regards, et d’apprendre à jouir de l’instant présent, de m’émerveiller de la beauté du monde, pour donner une dimension spirituelle, surhumaine, ou plutôt terriblement humaine, naturelle, éternelle à chaque geste et à chaque regard.

Profane spirituellement inerte, à l’image de la graine, comme morte enterrée, attendant la fin de l’hiver depuis longtemps, un jour, un éclairé a reconnu en moi un grain de raisin, qui une fois fermenté, puis reposé pourrait créer, apporter du goût, du plaisir composer une cuvée qui traversera le temps pour amener plus loin ses arômes, sa plénitude. Mais pour cela, il aura fallu la reconnaissance, la révélation, l’affinage.

Alors j’imagine qu’un jour, passé du grain de raisin à la goutte de vin, quand mon travail intérieur m’aura arrondi, affiné, déshabillé du superflu, je reconnaitrais en l’autre ce grain de raisin, symbole de la transformation végétale qui lui aussi, à travers des discussion partagés, nourri de doute, d’espérance, permettra d’inviter au partage de la jouissance du présent, enrichissant ainsi le nectar d’origine en un vin encore plus riche.

J’ai dit.

JT

A.S.: