X

MYTHES ET ORIGINES DE LA FRANC-MACONNERIE


« Les Essentiels« , le nouveau site des ressources culturelles et pédagogiques de la Bibliothèque nationale de France porpose un dossier formidable signé Roger Dachez sur :

« Les mythes et origines de la Franc-Maçonnerie » (article provient du site Franc-maçonnerie (2016).)

La jeune grande loge qui fut fondée à Londres le 24 juin 1717, et dont le premier grand maître était un obscur libraire, marqua le début d’une aventure qui allait conquérir le monde en quelques décennies.

Le port de Rhodes menacé par les Turcs : réception de compagnons près des fortifications Bibliothèque nationale de France

Origines réelles et symboliques de la franc-maçonnerie

Tout aurait commencé au Moyen Âge, en Grande-Bretagne, par ce qu’on appelle la « maçonnerie opérative » : le regroupement des maçons de métier. C’est de là que serait née la franc-maçonnerie « spéculative », moderne, détachée de toute préoccupation professionnelle, telle que nous la connaissons.
À l’origine, c’est-à-dire durant l’époque médiévale, le métier de maçon rassemblait des ouvriers, plus ou moins qualifiés et expérimentés, et des maîtres d’œuvre. Les chantiers pouvaient occuper toute une vie ; le métier se résumait à l’édification d’une cathédrale dont le maçon n’avait pas vu poser la première pierre et dont il ne verrait pas l’achèvement. Les plus anciens, les compagnons, formaient les plus jeunes, les apprentis. Ils disposaient de loges (le terme apparaît dans nos documents au 13e siècle), c’est-à-dire de simples bâtisses adossées à l’édifice en construction, où l’on rangeait les outils, où l’on se reposait, où l’on parlait des problèmes du chantier et des projets du lendemain. On y faisait aussi des plans, sur le sol égalisé qui servait à tracer les épures ou à fabriquer les gabarits.

Le Livre des métiers | Bibliothèque nationale de France

Pour organiser la profession, les clercs en rédigèrent des règlements, comme pour d’autres corps de métier (charpentiers, couvreurs…). C’est à cette époque aussi que, pour donner une perspective au travail des maçons, ils en écrivirent une histoire légendaire, à partir de vieilles chroniques. On en trouve le récit dans les Old Charges (qu’on appelle aussi les « Anciens Devoirs » ), dont les versions les plus anciennes que l’on connaisse remontent à la fin du 14e siècle. Elles rapportent comment les secrets de la « géométrie » ou de la « maçonnerie », inventées dès l’origine du monde, furent sauvés du Déluge grâce à des colonnes de pierre où ils avaient été gravés par les fils de Noé. La tour de Babel puis le temple de Salomon à Jérusalem en sont les réalisations les plus illustres.

La religion était souvent mêlée aux usages et aux cérémonies en vigueur : un ouvrier reçu dans un chantier jurait de respecter Dieu, la Sainte Église, son roi et le maître du chantier ; on lui enseignait les « devoirs » et on lui présentait la Bible. Telle était son initiation. En 1472, la Compagnie des maçons de Londres (London Masons’ Company) reçoit officiellement ses armes et sa première devise : God Is Our Guide ( « Dieu est notre guide » ). À cette époque, la Compagnie exerce son contrôle à Londres : les apprentis lui sont présentés, et leurs noms sont portés sur ses registres. Au terme d’un apprentissage d’au moins sept ans, ils peuvent paraître devant une commission et, après avoir prêté serment de fidélité et de loyauté envers le métier, la ville et la Couronne, devenir « hommes libres du métier » (freemen of the craft).

Manuscrit Cooke, entre 1425 et 1450, lignes 463 à 490 | © British Library
La plus ancienne copie des statuts et règlements des maçons médiévaux | © British Library

Parallèlement, le mot « loge », si évidemment et intimement lié à la franc-maçonnerie telle que nous la connaissons, évolue. Vers le 15e siècle, un usage extensif le conduit à s’appliquer à l’enemble des maçons qui travaillent sur un même chantier : la loge devient, en quelque sorte, une personne morale.

Écosse, 1 598 : les prémices de la maçonnerie moderne

Au 16e siècle, en Écosse cette fois, ce mot apparaît pourvu d’une signification très différente, et surtout beaucoup plus complexe et plus riche. Il désigne alors les maçons travaillant dans le ressort d’une cité ou d’un district, et formant une juridiction permanente qui règle l’organisation du métier et arbitre les conflits entre les ouvriers et les employeurs.

En 1598, toujours en Écosse, William Shaw, qui porte le titre de « maître des ouvrages du roi et surveillant général des maçons », publie de nouveaux statuts : dorénavant, la loge contrôle l’entrée des apprentis ainsi que leur accession au statut de compagnon, juge les différends, punit les manquements aux règles. Selon une opinion classique, longtemps soutenue par les historiens de la maçonnerie, c’est au terme d’une transition de deux siècles environ que cette maçonnerie opérative médiévale déclinante aurait donné progressivement naissance à la franc-maçonnerie spéculative moderne. Les premiers signes de cette transition seraient apparus précisément en Écosse : il s’agit de l’admission dans les loges opératives de membres sans rapport avec la profession de maçon, appelés gentlemen masons, recrutés en règle générale parmi les notabilités locales, dans le premier tiers du 17e siècle.

Des statuts compagnonniques | © Archives départementales du Vaucluse

Parmi les personnages les plus représentatifs de cette protohistoire de la maçonnerie spéculative, il faut citer Robert Moray (1608-1673), officier de la Couronne écossaise, passionné de philosophie et d’hermétisme. En 1641, à Newcastle, en marge d’un conflit avec l’Angleterre – il exerce des fonctions dans l’armée écossaise –, Robert Moray est reçu maçon par une délégation de la loge opérative d’Édimbourg. Pendant toute sa vie, il n’assistera qu’à deux réunions de loge – la seconde fois en 1647. Mais surtout, fait emblématique, il sera, en 1 660, le premier président de séance de la Royal Society. Tout un symbole.

En 1646, en Angleterre cette fois, on retient également la réception à Warrington, près de Liverpool, d’Elias Ashmole, érudit féru d’alchimie et d’hermétisme, dans une loge composée de sept membres, tous des notables locaux, sans lien apparent avec la maçonnerie. Une note portée dans le journal d’Ashmole conserve seule la trace de cette loge sans doute occasionnelle.

Dès 1686, du reste, dans son Histoire naturelle du Staffordshire, sir Robert Plot rapportait la coutume locale d’admettre dans la « Société des francs-maçons » (Society of Freemasons) des personnes de toutes qualités, et la disait « répandue dans toute la nation ».

LIRE LA SUITE DE « Les mythes et origines de la Franc-Maçonnerie« 


A.S.: