X

Miscellanea Macionica : Quatre Saints Couronnés (Sancti Quatuor Coronati)

Miscellanea Macionica :   Comment les Saints Couronnés sont-ils passés de neuf à quatre ?

Voici la question 112 de la Série« MISCELLANEA MACIONICA »  (Miscellanées Maçonniques) tenue par Guy Chassagnard, ancien journaliste professionnel qui, parvenu à l’âge de la retraite, a cessé de traiter l’actualité quotidienne, pour s’adonner à l’étude de la Franc-Maçonnerie et de son histoire.

Miscellanea Macionica :   Comment les Saints Couronnés sont-ils passés de neuf à quatre ?

L’histoire des Quatre Couronnés, ou Quatre Saints Couronnés (Sancti Quatuor Coronati) est autant confuse que déconcertante. Interviennent d’abord, en l’an 298, quatre sculpteurs de pierre romains, nommés Claude, Nicostrate, Castorius et Symphorien qui, convertis au christianisme, refusent d’exécuter une statue d’Esculape pour l’empereur Dioclétien.

Enfermés chacun dans un cercueil de plomb, après avoir été fouettés et torturés, ces quatre martyrs sont jetés dans les eaux du Tibre ; de concert avec un certain Simplicius dont le tort est, sans doute, d’avoir voulu devenir tailleur de pierre au mauvais endroit et au mauvais moment.

Deux ans plus tard, ayant fait édifier un temple dédié au culte d’Esculape, Dioclétien ordonne à ses légionnaires de rendre hommage au dieu de la médecine. Quatre soldats, eux aussi convertis au christianisme, refusent de participer aux sacrifices. Ils sont arrêtés et battus à mort à coups d’« escourgées de plomb ».

Leurs noms ne seront connus que plus tard : Second, Sévérien, Carpophore et Victorien. Entre-temps, sculpteurs et soldats auront été inscrits au martyrologue chrétien sous l’appellation des Quatre couronnés.

C’est donc à partir de neuf martyrs, que la chrétienté a sanctifié, sous l’égide du pape Melchiade, les Quatre Couronnés, dont la fête est célébrée le 8 novembre. Honorés par Jacques de Voragine dans sa Légende Dorée, ceux-ci deviennent à l’ère médiévale les saints patrons des tailleurs de pierre et des maçons ; Claude étant représenté avec une équerre, Nicostrate avec un compas, Castorius avec une règle, Symphorien enfin avec un niveau. Il n’est donc pas anormal de voir, mentionnés, ces martyrs romains dans les textes anciens, souvent rédigés par des clercs se réclamant des œuvres latines. Ainsi est énoncé, dans le Manuscrit Regius, datant des années 1390, « L’Art des Quatre Couronnés » :

Prions maintenant Dieu, tout-puissant, et sa mère immaculée Marie, que nous gardions ces articles et ces points, à l’exemple des quatre bienheureux martyrs ; qui furent bons maçons, sculpteurs et ima­giers. Comme ils étaient des ouvriers d’excellence, l’empereur les tint en grande affection ; il voulut d’eux une statue à laquelle on rendrait un culte en son honneur ; il faisait faire en son temps de telles idoles pour détourner le peuple de la loi du Christ. 

Mais ils demeurèrent inébranlables dans leur fidélité à la loi du Christ, ainsi qu’à leur métier, sans le moindre compromis ; ils adoraient Dieu et ses commandements, et restaient loyalement à son service.

En ce temps-là, ils se montrèrent être des hommes de vérité, vivant dans le respect de la loi de Dieu ; ils ne voulurent pas fabriquer d’idoles, quel que fût le profit à en retirer, ni les adorer comme leurs Dieux, car ils se refusaient à renier leur foi.

L’empereur les fit saisir et jeter dans un cachot ; plus ils furent punis, plus ils se réjouirent de la grâce reçue du Christ ; alors, ne voyant rien d’autre à faire, il [l’empereur] ordonna de les mettre à mort.

Réunis à Ratisbonne en 1459, pour y débattre des affaires de leur fraternité, les tailleurs de pierre du Saint-Empire romain germanique placent leur travaux sous les auspices de Dieu le Père, du Fils, du Saint-Esprit et de sainte Marie, mère de Dieu, ainsi que des « bienheureux serviteurs, les quatre Saints couronnés ».

Mais c’est dans un texte anglais plus ancien, car datant du XIIe siècle, inclus dans une liasse de documents dénommée Manuscrits Arundel, que se trouve, traduite du latin, l’histoire la plus détaillée des Quatre Couronnés – qui, sculpteurs ou soldats, ont préféré mourir plutôt que renier leur foi en Dieu.

• Quatuor Coronati Lodge n°2076.

Première loge maçonnique à avoir consacré ses travaux à la recherche « maçonnologique », la Loge des Quatre Couronnés a été fondée en 1884, sous les auspices de la Grande Loge Unie d’Angleterre ; ceci à l’instigation de l’historien Robert Freke Gould.

Ses quarante membres titulaires, choisis par cooptation, sont issus des grandes loges britanniques et étrangères reconnues régulières. La loge se réunit cinq fois par an au Freemasons’ Hall de Londres, et publie annuellement un recueil de ses travaux sous le titre de Ars Quatuor Coronatorum (Transactions des Quatre Couronnés) que reçoivent, sur abonnement, ses quelque 5 000 membres correspondants.

• Voir : The Legend of the Quatuor Coronati (A.F.A. Woodford, AQC – vol. 1, 1888).

© Guy Chassagnard – 2016



Guy Chassagnard: