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Miscellanea Macionica : La Franc-Maçonnerie a-t-elle pris une part active dans la Révolution ?

Miscellanea Macionica :  La Franc-Maçonnerie a-t-elle pris une part active dans la Révolution ?

Voici la question 91 de la Série« MISCELLANEA MACIONICA »  (Miscellanées Maçonniques) tenue par Guy Chassagnard, ancien journaliste professionnel qui, parvenu à l’âge de la retraite, a cessé de traiter l’actualité quotidienne, pour s’adonner à l’étude de la Franc-Maçonnerie et de son histoire.

Miscellanea Macionica :  La Franc-Maçonnerie a-t-elle pris une part active dans la Révolution ?

La prise de la Bastille, les premiers soubresauts de la Révolution française surprirent autant les francs-maçons du royaume de France que les autres sujets de Louis XVI. Car, contrairement à ce que l’on a voulu souvent laisser croire, les frères du Grand Orient de France ou de sa rivale, la Grande Loge de Clermont, n’ont jamais envisagé ni tenté de renverser la monarchie.

On note à ce propos que dès les premiers méfaits de la Convention, des girondins et de la montagne, les loges se vi­dèrent pour beaucoup de leurs représentants de la noblesse ; que si Mirabeau, Danton et Marat étaient francs-maçons, La Fayette, Talleyrand, Montmorency-Luxembourg le furent tout autant : ce dernier prenant d’ailleurs le chemin de l’exil dès le… 15 juillet 1789.

Quant au Docteur Joseph Ignace Guillo­tin (1738-1814), qui en 1792 recommanda à la Con­vention, pour des raisons humanitaires, « la décollation [des condamnés à mort] à l’aide d’une machine à action rapide », il faillit en être lui-même le malencontreux bénéficiaire.

Se trouvaient en loge, en 1789, des monarchistes, des philosophes libéraux, des républicains déterminés qui avaient tous, jusque là, maçonné sans le moindre problème moral, politique ou religieux. Si les événements révolutionnaires les séparèrent, ils ne les rendirent pas, pour la majeure partie d’entre eux, enne­mis. Au sein des ateliers maçonniques on n’avait guère, jusqu’à ce moment – la preuve en est fournie par tous les documents d’époque détenus par la Bibliothèque nationale de France –, évoqué les problèmes de l’État.

Dans leur registre des travaux, les Élus de Char­tres de Cahors, se félicitèrent toutefois, le 4 juillet 1789, de « la Ré­volution heureuse qui venait de s’opérer en France et dont on n’était redevable qu’aux lumières des généreux repré­­sentants de la Nation ». Il ne s’agissait pas de la « Révolution » à venir, mais des premières prises de position démocratiques des États Gé­né­aux, réunis depuis le mois de mai.

L’équivoque relative à la fomentation d’un complot ma­çonnique à l’encontre de la monarchie est née dans l’esprit inventif d’un jésuite, l’abbé Augustin Barruel (1741-1820), auteur d’un ouvrage en cinq volumes, publié de 1797 à 1799, sous le titre de Mémoires pour servir à l’histoire du ­Jaco­bi­nisme.

Bien des années avant la Révolution, affirmait l’auteur, des hommes qui se firent appeler philoso­phes cons­pirèrent contre le Dieu de l’É­van­gile, contre tout christianisme, sans exception. […] Cette conspiration fut celle des sophistes, de l’incrédulité et de l’impiété. […] A cette école des sophistes im­pies, se formèrent bientôt les sophistes de la rébellion ; et ceux-ci se réunirent à l’antique secte dont les complots faisaient tout le secret des ar­rière-loges de la Franc-Maçonnerie.

A l’instar d’un autre écrivain, adversaire lui aussi de la Franc-Maçonnerie, Augustin Cochin, on peut admettre que « ce n’est pas en tant qu’initiés, mais en tant qu’hommes du XVIIIe siècle, soumis à l’influence des Ency­clo­pé­distes » que certains francs-maçons ont pu s’engager dans l’action révolutionnaire. Quoi qu’il en soit, la Franc-Maçonnerie française ne sortit pas indemne de la Révolution. Non pas qu’elle ait été in­terdite ou persécutée, tant par la Con­vention que sous la Terreur. Mais ses loges se vidèrent ; et, les capitations ne furent plus versées aux obédiences.

En 1796, lorsque certains francs-maçons décidèrent de ­revêtir, à nouveau, leur tablier, il ne restait plus sur le sol français que dix-huit loges en activité. Le 7 juin, Alexandre Louis Roëttiers de Montaleau, ancien graveur des monnaies royales, fut élu Grand Vénérable d’un Grand Orient renaissant. Grâce à une réorganisation par­­ticulièrement efficace, le nombre des loges grandit rapidement. En mai 1799 eut lieu l’« union perpétuelle » du Grand Orient et de sa rivale, la Grande Loge de Fran­ce – dite de Clermont.

En décembre 1804 alors que l’Empire faisait la démonstration de sa puissance, le nouvel Ordre ma­çonnique unissait encore à lui une Grande Loge Générale Écossaise, récemment créée, alliée à un Suprême Con­seil du 33e degré – d’un rite « écossais » nouveau, appelé à devenir le premier du futur monde maçonnique. Mais.… Comme il n’est jamais possible de con­vaincre ceux qui ne veulent absolument pas l’être, rappelons cet autre propos de l’abbé Barruel :

Dans cette révolution française, tout, jusqu’à ses forfaits les plus épouvantables, tout a été prévu, médité, combiné, résolu, statué ; tout a été l’ef­fet de la plus profonde scélératesse, puisque tout a été amené par des hommes qui avaient seuls le fil des conspirations longtemps ourdies dans les sociétés secrètes, et qui ont su choisir et hâter les moments propices aux complots…

Calomniez ! Calomniez ! Il en restera toujours quelques chose.

  • Voir : Mémoires pour servir à l’histoire du Jacobinisme (Abbé Augustin Barruel, 1797-1799).

 

© Guy Chassagnard – Tous droits réservés – chassagnard@orange.fr




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