Voici la question 119 de la Série« MISCELLANEA MACIONICA » (Miscellanées Maçonniques) tenue par Guy Chassagnard, ancien journaliste professionnel qui, parvenu à l’âge de la retraite, a cessé de traiter l’actualité quotidienne, pour s’adonner à l’étude de la Franc-Maçonnerie et de son histoire.
Miscellanea Macionica : Joseph Cerneau , Franc-Maçon hyperactif ou opportuniste?
Pourtant, Joseph Cerneau a pendant plus de vingt ans été un élément perturbateur, et dans une certaine mesure dangereux, dans le courant écossais ancien et accepté, trouvant sa source, en 1801, à Charleston (Caroline du Sud) lors de la création d’un premier Suprême Conseil du 33e degré.
Sa vie profane, il est vrai, est des plus obscures. On sait qu’il est né dans la région parisienne, à Villeblin, en 1765, d’un père maître d’école. On sait qu’il a vécu une grande partie de sa vie à l’étranger, à Saint-Domingue et à Cuba d’abord, aux États-Unis d’Amérique ensuite ; avant de se retirer au pays natal, et d’y mourir, oublié, en 1845, ou 1846.
Joseph Cerneau émerge de l’anonymat en 1800, à l’âge de 36 ans, alors qu’il réside sur l’île de Saint-Domingue et y exerce le commerce de joaillerie. Il est alors officier de la Loge La Réunion des Cœurs Franco-Américains, dépendant de la Grande Loge de Pennsylvanie (USA), dont le Vénérable se nomme Germain Hacquet ; et membre de la Loge La Réunion Désirée, du ressort du Grand Orient de France.
En 1802, il est second Grand Surveillant de la Grande Loge provinciale pour Saint-Domingue ; mais doit se réfugier bientôt à Cuba suite à une révolte sanglante des esclaves haïtiens. Il fonde alors à La Havane le Temple des Vertus Théologales, dont il devient Vénérable Maître.
En 1806, Joseph Cerneau reçoit d’Antoine Mathieu du Potet (ou Dupotet) – qui l’avait reçue précédemment de Germain Hacquet – une patente de Député Grand Inspecteur Général de l’Ordre des Souverains Princes du Royal Secret, pour la partie nord de l’Isle de Cuba. Mais quelques mois plus tard, il doit fuir Cuba avec sa famille pour s’installer à New York ; devenu homme de loi, il y séjournera jusqu’en 1827.
Dans la métropole américaine, Joseph Cerneau se lie d’amitié avec John W. Mulligan, haut dignitaire de la Grande Loge de New York, et DeWitt Clinton, futur gouverneur de l’état.
Il y fonde, en 1807, un Très Puissant Grand Consistoire des Sublimes Princes du Royal Secret, Chefs Suprêmes de la Haute Maçonnerie ; selon le Rite écossais ancien de Heredom, pour les États-Unis, leurs territoires et leurs dépendances et, l’année suivante, un Grand Conseil dit de la Très Sainte Trinité.
Cerneau se présente alors aux francs-maçons new-yorkais comme « Grand Inspecteur Général, Puissant Souverain Grand Commandeur » ; bientôt, il sera détenteur du 33e degré, un grade que nul ne lui a jamais donné…
En 1810, Joseph Cerneau intègre la Washington Lodge de New York. En 1812, il inaugure un Suprême Conseil du 33e degré à New York, indépendant de celui créé à Charleston en 1801, qui revendique des droits sur l’ensemble des États-Unis ; et parraine la fondation d’un Grand Consistoire à La Nouvelle Orléans.
Entre-temps, bien que faisant l’objet de nombreuses critiques pour sa façon de décerner, contre paiement, titres et patentes, notre maçon œuvre à la création de divers ateliers dédiés à l’Écossisme de Heredom – ou de Perfection – tant aux États-Unis qu’en Amérique du sud.
Germain Hacquet est nommé par Cerneau son représentant auprès du Suprême Conseil de France ; en 1816, le même Hacquet représentera également le Grand Consistoire de New York auprès du Grand Chapitre Général du Grand Orient de France.
L’année 1813 occasionne de nouveaux ennuis maçonniques à Joseph Cerneau. Inquiet de ses agissements le Suprême Conseil du 33e de Charleston (Caroline du Sud) délègue à New York le frère Emanuel De La Motta dont l’enquête et les tractations n’aboutissent qu’à la création d’un nouveau Suprême Conseil des États-Unis, Juridiction Nord – installé plus tard à Boston.
Cerneau, « expulsé » de la Franc-Maçonnerie par De La Motta, n’en continue pas moins, cependant, ses activités prosélytiques. En 1814, même, bien que n’ayant jamais appartenu à l’Ordre des Chevaliers du Temple (Knights Templars), il fonde un « Grand Camp pour l’état de New York » dont il confie la direction à son ami DeWitt Clinton.
La confusion est telle alors à New York que les maçons locaux ne savent plus à quel Suprême Conseil ou Consistoire écossais se vouer.
Si bien qu’une nouvelle tentative de conciliation, vaine comme la précédente, sera diligentée, en 1821, par le frère Frederick Dalcho, Grand Commandeur du 33e degré à Charleston ; et que continueront à exister à New York, deux, voire trois juridiction de hauts-grades écossais.
Lorsqu’en 1827, Joseph Cerneau quitte les États-Unis pour regagner la France, les ateliers de hauts-grades qu’il a créés, ou contribué à créer sont nombreux, tant aux États-Unis qu’à l’étranger.
Il faudra près d’un siècle pour que les deux Suprêmes Conseils des États-Unis de Charleston (ou Washington) et de New York (ou Boston) en viennent à bout, et que disparaisse toute trace du « Cernauisme ».
De retour en son village natal de Villeblin, Joseph Cerneau ne se montrera qu’en de rares occasions en loge, et ne manifestera plus aucun intérêt pour le Rite de Heredom qu’il a précédemment tenté de développer.
Les dernières activités maçonniques qu’on lui connaît sont deux interventions effectuées en 1841 et 1842 auprès du Grand Orient de France, en vue d’obtenir de l’obédience un secours financier.
En 1846, son Grand Consistoire de New York sera officiellement dissous, mais un de ses membres en créera un nouveau ; et le Rite de Cerneau se perpétuera aux États-Unis, avec des fortunes diverses, pendant encore une vingtaine d’années.
De la vie de Joseph Cerneau peut être tiré un enseignement : savoir celui que la devise écossaise « Ordo ab Chao » (L’ordre vient du chaos) peut être lue, comprise et mise en pratique à l’envers…
– Voir : History of the Supreme Council, 33° (Samuel Harrison Baynard, 1938). Masonic Encyclopedia (Henry Wilson Coil, 1995). Le Rite en 33 grades, de Frederick Dalcho à Charles Riandey (Alain Bernheim, Éditions Dervy, 2011).
© Guy Chassagnard – 2016
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BAF Guy,
Il est né a Villeblévin, ville du Blé près de Sens.....par contre voila bien sur une excellente nouvelle, mais ou repose t il en Paix, le savez vous personne le sait sauf sont derniers descendants qui nous a remis quelque s pièces lui ayant appartenu, son encrier quelques livres et surtout son sceau en argent...une photo a été prise du reste lors de la remise d'autres documents du reste cet hiver à Paris ou nous avons fêté sont 250ème Anniverssaire de sa naissance avec émission de timbres postes république Française et des enveloppes premier jour du reste qui seront bientôt visible sur le site en fin de construction sur http://www.josephcerneau.com, ou du reste nous faisons de la publicité sur un bouquin référencé sur notre Grande Loge celui des " Frères Champelion, de Figéac à........
Mon TCF Alain,
Il est écrit que Joseph Cerneau est né en 1765 à Villeblin, en région parisienne : "...On sait qu’il est né dans la région parisienne, à Villeblin, en 1765, d’un père maître d’école..."
En fait, à ce stade de la recherche, Joseph Cerneau semble être né en 1763 à Villeblevin, dans l'Yonne (cf. le Ligou ou le fichier Bossu de la BnF), dans notre actuelle région Bourgogne-Franche-Comté.
Sa date de décès, entre 1840 & 1845, n'est pas connue précisément.
Je te souhaite un très beau dimanche.
frat
YG