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Miscellanea Macionica : D’où nous viennent les « Protocoles des Sages de Sion » ?

Voici la question 123 de la Série« MISCELLANEA MACIONICA »  (Miscellanées Maçonniques) tenue par Guy Chassagnard, ancien journaliste professionnel qui, parvenu à l’âge de la retraite, a cessé de traiter l’actualité quotidienne, pour s’adonner à l’étude de la Franc-Maçonnerie et de son histoire.

Miscellanea Macionica :  D’où nous viennent les « Protocoles des Sages de Sion » ?

En Franc-Maçonnerie, la liste des faux en écritures ayant permis d’assurer la régularité et la reconnaissance de rites, de rituels, ou de titres, est particulièrement longue ; et fait toujours débat de rejet ou d’acceptation. Citons pour l’exemple,

• La Charte de Cologne, de 1535,

• Les Constitutions secrètes, de 1761,

• Les Constitutions de Paris, Bordeaux ou Berlin, de 1762,

• Les Grandes Constitutions de Frédéric II, de 1786.

Nous souhaitons ajouter à la liste existante les Protocoles des Sages de Sion, qui ne sont pas à proprement parler un document à caractère maçonnique ; mais qui ont pu, dans certaines versions, être présentés comme des « Extraits des protocoles anciens et modernes des Sages de Sion de la Société mondiale des francs-maçons ». Notre motivation repose également sur le fait qu’ils ont été connus au début du XXe siècle, à un moment où le profane a souvent mêlé la « juiverie » à un sentiment clérical de défiance envers les francs-maçons.

Explications. Le document, qui se compose de vingt-quatre « protocoles », ou chapitres, ressemble étrangement au contenu d’un pamphlet anti-bonapartiste de Maurice Joly, paru à Bruxelles en 1864 sous le titre de Dialogue aux enfers entre Machiavel et Montesquieu. Reprenant à son compte les propos de Machiavel, son auteur, un émigré russe du nom de Mathieu Golovinski, s’est contenté, quarante ans plus tard, d’y insérer les mots état, monde, juifs, gentils ; obtenant ainsi, à moindres frais, un ouvrage de propagande politique dédié au « Programme juif de conquête du Monde ».

De l’avis des défenseurs de l’authenticité des Protocoles, toujours nombreux aujourd’hui (!), ceux-ci constituent une partie importante des procès-verbaux de vingt-quatre séances de travail du premier Congrès sioniste, tenu à Bâle, en 1897, sous la présidence du Dr Theodor Hertzl. Si un mouvement sioniste s’est bien créé à Suisse en 1897, sous l’impulsion du Dr Hertzl, rien ne prouve que la « loge maçonnique » y ait été, à aucun moment, considérée comme pouvant masquer ses aspirations et ses activités.

Il est toutefois bien établi que Mathieu Golovinsky, journaliste au Figaro, est l’auteur des Protocoles, qui ont été transmis, en 1901, au gouvernement impérial russe en vue d’encourager et de justifier sa politique de discrimination à l’égard des juifs. Leur publication a lieu en 1903 en Russie, en 1920 à Londres et aux États-Unis, en France en 1921 ; curieusement selon des versions quelque peu différentes – le texte original ayant mystérieusement disparu. Hitler fera, plus tard, référence aux Protocoles pour définir la propagande antisémite du IIIe Reich.

De la lecture de la version française, il ressort que :

• Le nombre des hommes aux instincts corrompus est plus grand que celui des gens aux instincts nobles. C’est pourquoi les meilleurs résultats s’obtiennent, dans le gouvernement du monde, en employant la violence et l’intimidation plutôt que les discussions académiques.

• La politique n’a rien de commun avec la morale. Un souverain gouverné par la morale n’est pas un habile politique ; il n’est donc pas d’aplomb sur un trône. Celui qui veut gouverner doit recourir à la ruse et à l’hypocrisie.

• Notre droit réside dans la force. Le mot « droit » est une idée abstraite qui ne repose sur rien. Il ne signifie pas autre chose que ceci : « Donnez-moi ce dont j’ai besoin pour prouver que je suis plus fort que vous. »

• Notre force, étant donné la situation branlante des pouvoirs, sera plus grande qu’aucune autre, parce qu’elle sera invisible jusqu’au jour où elle sera telle qu’aucune ruse ne la saurait miner.

• Nous gouvernerons les masses en tirant parti des sentiments de jalousie et de haine allumés par l’oppression et le besoin. Et, au moyen de ces sentiments, nous nous débarrasserons de ceux qui entravent notre mar­che.

• Le mot « liberté » met la société en conflit avec toutes les puissances, même avec celle de la Nature et avec celle de Dieu. C’est pourquoi, lorsque nous arriverons au pouvoir, il nous faudra effacer le mot « liberté » du dictionnaire humain, comme étant le symbole du pouvoir bestial qui transforme les hommes en animaux sanguinaires. Mais rap­pelons-nous que ces animaux s’endorment dès qu’ils sont rassasiés de sang et qu’il est facile alors de les charmer et de les asservir.

• Pour détourner l’attention des « Chrétiens » de notre politique, il est essentiel que nous l’attirions du côté du commerce et de l’industrie ; en sorte que toutes les nations luttant pour leurs intérêts propres ne s’occuperont pas, dans cette agitation universelle, de leur commun ennemi.

• Nous remplacerons les gouvernements existants par un « monstre » que nous appellerons l’Administration du super-gouvernement.

Considérés comme étant l’une des pièces maîtresse de l’antisémitisme moderne, les Protocoles des Sages de Sion ont été interdits de diffusion dans divers pays occidentaux. Ils ont été, et sont toujours, par contre, largement distribués parmi les populations hostiles aux juifs et aux israéliens. En Égypte, en Iran, notamment, ils ont même donné lieu à la réalisation et à la présentation de feuilletons télévisés.

• Voir : Dialogue aux enfers entre Machiavel et Montesquieu (Maurice Joly, 1864). Les Protocoles des Sages de Sion, Faux et usages d’un faux (Pierre-André Taguieff, Berg International, 1992). Le texte prophétique en France. Formation et fortune (Jacques Halbronn, Éditions du Septentrion, 2002).

© Guy Chassagnard – 2016



Guy Chassagnard: