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Miscellanea Macionica : Comment sont apparus les hauts-grades maçonniques ?

Voici la question 52 de la Série« MISCELLANEA MACIONICA »  (Miscellanées Maçonniques) tenue par Guy Chassagnard, ancien journaliste professionnel qui, parvenu à l’âge de la retraite, a cessé de traiter l’actualité quotidienne, pour s’adonner à l’étude de la Franc-Maçonnerie et de son histoire.

Miscellanea Macionica :  Comment sont apparus les hauts-grades maçonniques ?

Les grades d’Apprenti et de Compagnon, c’est évident, sont issus de la Maçonnerie opérative ; du temps, comme on dit généralement, des cathédrales et des tailleurs de pierre. Le Maître étant alors un Compagnon chargé de diriger les œuvriers. Il faut lire les textes anciens de la fin du XVIIe et du début du XVIIIe siècles pour voir apparaître un grade de Maître distinct.

Par la lecture du manuscrit des archives d’Édimbourgh, daté de 1696, on apprend que pour constituer une Loge juste et parfaite, il faut réunir sept Maîtres (Masters) et cinq Apprentis, ou à tout le moins cinq Maçons (Masons) et trois Apprentis. L’énoncé est toutefois loin d’être clair. Par contre, dans le manuscrit du Trinity College de Dublin, daté de 1711, il ne subsiste aucun doute ; on y lit en effet :

Question. – Qu’est-ce qui rend une Loge juste et parfaite ?

Réponse. – Trois Maîtres (Masters), trois Compagnons du Métier (Fellow Craftsmen) et trois Apprentis entrés (Enterprentices).

James Anderson a beau ignorer le Maître dans son Livre des Constitutions de 1723, il existe bien alors un troisième grade – ce que confirment d’ailleurs le manuscrit Kevan (1714), le Grand Mystère des Francs-Maçons (1724) et le manuscrit Graham (1726). Bientôt surgit donc dans la Franc-Maçonnerie anglaise un nouveau nom qui n’a pas, à ce jour, livré tous ses mystères ; mais qui laisse à penser que l’on se trouve en présence d’un nouveau grade.

En effet, apparaît en 1733 au bas du tableau général des loges de la Grande Loge de Londres un atelier dont on sait qu’il n’est pas composé de maçons d’origine écossaise, mais pourtant de Scotch Masons (maçons écossais). Deux ans plus tard, la loge londonienne At the Queen’s Arms (Aux armes de la Reine), anciennement At the Goose and Gridiron, abrite des Scoth Masons ou des Scots Masters. Des Maçons écossais, on en trouve encore en 1740 à Bristol, et en 1743 à Durham.

Que sont ces Maçons ou ces Maîtres écossais ? Pour être franc, nous soulignerons que nous n’en savons rien. Ce dont nous sommes sûr, cependant, c’est qu’ils ne sont pas originaires d’Écosse. Une idée peut être avancée, dans la mesure où l’on considère que le Maître écossais a pu être constitué en… Angleterre, qui est celle-ci : le jour où quelqu’un a quelque part voulu créer un quatrième grade (la recherche des honneurs est pres­que aussi grande chez les francs-maçons que chez les profanes…) il lui a fallu trouver un titre prometteur.

Au-dessus du Maître anglais, on ne peut décemment pas admettre un Maître français (à cause d’un long passé de haines et de guer­res), un Maître irlandais (l’Irlande étant une île de conquête et de servitude). Mais devenir Maître écossais, à un moment où rè­gne à Londres un roi portant à la fois les couron­nes d’Angleterre et d’Écosse (ceci depuis 1603), surtout si l’on s’en réfère à la longue tradition maçonnique écos­saise, ne peut être que du meilleur effet.

Nous admettons volontiers que notre idée porte à mal la théorie de la création en France des premiers grades supérieurs. Mais vouloir tirer leur origine de présumées loges écos­saises implantées à Saint-Germain-en-Laye, de l’influence écossaise insufflée dans les premières loges de Paris, ou d’un emprunt toponymique issu de « cosses » susceptibles d’avoir abrité une loge de charbonniers ou de forestiers (!) n’apparaît pas plus convaincant. Plus vraisemblable est l’adoption, par les francs-maçons du royaume de France, d’un premier grade dit écossais, tout frais venu d’outre-Manche, auquel ils se sont empressés d’en ajouter d’au­­tres, de toutes sortes. C’est en effet en France, plutôt qu’en Angleterre, que l’on trouve :

– En 1740, un Maître Élu, un Écossais Anglais, un Parfait Maître Anglais,

– En 1743, un Petit Élu, un Chevalier de Royal Arche,

– En 1744, un Maître Parfait, un Élu Parfait ou Écossais, un Prévôt et Juge.

Toujours en 1744, la loge du grand maître, le comte de Clermont, adopte des statuts « devant servir de règlements à toutes les loges du Royaume » dans lesquels on peut relever :

• Il n’y aura que le vénérable, l’orateur et les frères décorés de grades supérieurs, qui auront la liberté d’être couverts et armés en loge, tous les autres seront sans chapeau.

• Les Écossais seront les surintendants des travaux, ils au­ront la liberté de la parole, et seront des premiers à donner leur suffrage, se placeront où ils voudront, et lorsqu’ils seront en faute ils ne pourront être redressés que par des Écossais.

Dès lors, l’Écossisme connaîtra en France un développement rapide. Bien avant que ne soit atteinte la seconde moitié du siècle, il sera possible d’imposer son autorité maçonnique en devenant Chevalier de l’orient et de l’épée, Prince de Rose Croix, Écossais de Prusse (!), Maître Irlandais, voire Grand Écossais. Déjà aura été fondée à Bordeaux la première Loge d’Écosse ou des Parfaits Élus, à l’instigation d’un certain Étienne Morin (1725-1771) – loge initiatrice de l’Ordre des Souverains Princes du Royal Secret et, au-delà, du Rite écossais ancien et accepté.

• Voir : Aux Sources du Rite écossais ancien et accepté (Guy Chassagnard, Éditions Alphée – J.P. Bertrand, 2008).

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