X

Miscellanea Macionica : Comment Hiram, le fondeur, est-il devenu Architecte de Salomon ?

Voici la question 57 de la Série« MISCELLANEA MACIONICA »  (Miscellanées Maçonniques) tenue par Guy Chassagnard, ancien journaliste professionnel qui, parvenu à l’âge de la retraite, a cessé de traiter l’actualité quotidienne, pour s’adonner à l’étude de la Franc-Maçonnerie et de son histoire.

Miscellanea Macionica :  Comment Hiram, le fondeur, est-il devenu Architecte de Salomon ?

En son premier Livre des Rois (chapitres 6-7) et en son second Livre des Chroniques (ch. 3-4), le Volume de la Loi sacrée relate la construction – au dixième siècle avant J.-C. – du temple de Jérusalem par Salomon, roi d’Israël : avec pour personnages principaux, Salomon, Hiram, roi de Tyr, et Hiram Abi (ou Abif : Hiram le Maître, ou l’Orphelin), « fils d’une veuve de la tribu de Nephthali et d’un père tyrien  ».

70 000 hommes, nous dit-on, furent employés pour porter les matériaux, 80 000 pour tailler les pierres, 3 600 pour surveiller l’avancement des travaux… Hiram Abi était « habile pour les ouvrages en or, en argent, en airain et en fer, en pierre et en bois », enfin « en étoffes teintes ». Il n’est, cependant, indiqué nulle part, dans la Bible, que celui-ci ait été « architecte ».

• David appela Salomon, son fils, et lui ordonna de bâtir une maison à l’Éternel, le Dieu d’Israël.

• La maison que le roi Salomon bâtit à l’Éternel avait soixante coudées de longueur, vingt de largeur, et trente de hauteur. Le portique devant le temple de la maison avait vingt coudées de longueur répondant à la largeur de la maison, et dix coudées de profondeur sur la face de la maison.

• Salomon eut 70 000 hommes pour porter les fardeaux et 80 000 pour tailler les pierres dans la montagne, sans compter les chefs, au nombre de 3 300, chargés de surveiller les ouvriers.

• Le roi Salomon fit venir de Tyr, Hiram, fils d’une veuve de la tribu de Nephthali et d’un père tyrien qui travaillait sur l’airain. Hiram était rempli de sagesse, d’intelligence, et de savoir pour faire toutes sortes d’ou­vrages d’airain.

• Hiram fit deux colonnes d’airain. La première avait dix-huit coudées de hauteur, et un fil de douze coudées mesurait la circonférence de la seconde. Il dressa les colonnes dans le portique du temple ; il dressa la colonne de droite et la nomma Jakin ; puis la colonne de gauche, et la nomma Boaz.

• Il fit la mer de fonte. Il fit des bases d’airain. Il fit dix bassins d’airain. Il fit des cendriers, des pelles et des coupes. Ainsi Hiram acheva tout l’ouvrage que le roi Salomon lui fit faire pour la maison de l’Éternel.

Ce que ne fit pas Hiram, selon le Volume de la Loi sacrée, ce sont des plans ; il ne dirigea pas les travaux de construction ; on ignore encore ce qu’il advint de lui au terme de la construction du temple. Mais nous n’en sommes ici qu’au début de l’histoire. Son développement doit être recherché dans les textes anciens de la Maçonnerie et les Anciens Devoirs des maçons de taille et de pose.

Cherchons ensemble et découvrons les éléments d’une Légende à venir. C’est à la lecture du Manuscrit Cooke, datant de 1410, que l’on discerne une première approche du futur mythe d’Hiram : Salomon, y est-il indiqué, disposa de 80 000 maçons pour mener à bien son entreprise, de concert avec le fils du roi de Tyr, qualifié ici de « Maître maçon » – dont le Manuscrit Grand Lodge n°1 (daté du 25 décembre 1583) révèle le nom : Aynon – assimilable,peut-être à Any One, dont la signification anglaise est : N’importe Qui….

Le Manuscrit Inigo Jones, daté de 1607 précise qu’Hiram, roi de Tyr, envoya à Salomon Hiram Abif qui était maître en Géométrie et le meilleur de tous ses maçons, sculpteurs, graveurs et ouvriers du cuivre et de tous les autres métaux. Plusieurs manuscrits et documents imprimés postérieurs complètent encore, d’une façon ou d’une autre, le récit biblique pour faire naître la Légende :

Questions et réponses du Manuscrit Dumfries (1710).

Q. – Qui était maître maçon à la construction du Temple ?

R. – Hiram de Tyr.

Q. – Qui posa la première pierre à la fondation du Temple ?

R. – Hiram.

Q. – De quelle façon le Mot [de maçon] est-il apparu ?

R. – Il a été communiqué au roi David, alors qu’il faisait tailler des pierres dans la montagne, afin de distinguer les ouvriers des manœuvres. Il plut à Dieu de rappeler le roi David, et Salomon lui succéda et il [le mot] lui fut donné.

Q. – Comment fut bâti le Temple ?

R. – Par Salomon, et Hiram qui fournit les outils pour cet ouvrageo: c’était Hiram qui fut ramené d’Égypte ; il était fils d’une veuve ; il fournit toutes sortes d’outils : pioches, bêches, pelles, et toutes choses relatives au Temple.

Q. – Où se tient le Maître ?

R. – Dans une auge de pierre, sous la fenêtre de l’ouest, regardant vers l’est et attendant le lever du soleil pour mettre ses hommes à l’ouvrage.

La Maçonnerie disséquée, de Samuel Prichard (1730).

C’est à l’ouvrage de Samuel Prichard que l’on doit d’avoir établi la Légende telle qu’elle est connue des adeptes de la Franc-Maçonnerie moderne :

Question. – Vous êtes un bon Compagnon ; d’où venez-vous ?

Réponse. – De l’est.

Q. – Où allez-vous ?

R. – Vers l’ouest.

Q. – Qu’allez-vous y faire ?

R. – Y chercher ce qui avait été perdu et qui est maintenant retrouvé.

Q. – Qu’est-ce qui avait été perdu et qui a été retrouvé ?

R. – Le Mot de Maître-Maçon.

Q. – Comment fut-il perdu ?

R. – Par trois grands coups, ou la mort de notre Maître Hiram.

Q. – Comment trouva-il la mort ?

R. – Il était Maître-Maçon lors de la construction du Temple de Salomon, et à midi plein, quand les ouvriers étaient partis se restaurer, comme il était de coutume, il s’en vint inspecter les travaux ; quand il fut entré dans le Temple, il y trouva trois scélérats, supposés être trois Compagnons [Fel­low-Crafts], qui s’étaient embusqués aux trois entrées du Temple. Le premier lui demanda le Mot de Maître, il lui répondit qu’il ne l’avait pas reçu de cette manière, mais qu’un peu de temps et de patience lui ferait l’obtenir ; insatisfait de cette réponse, il [le Compagnon] lui donna un coup qui le fit vaciller ; il [Hiram] alla à une autre porte, où il fut interpellé de la même manière, et il fit la même réponse, recevant un plus grand coup ; au troisième [coup] il perdit la vie.

Q. – Avec quoi les scélérats le tuèrent-ils ?

R. – Un maillet, un ciseau et un levier .

Q. – Que firent-ils de son corps ?

R. – Ils le transportèrent à la porte de l’ouest du Temple, et le cachèrent sous des gravats jusqu’à minuit.

Q. – Que firent-ils ensuite du corps ?

R. – Ils le portèrent jusqu’au sommet d’une colline, où ils creusèrent une tombe décente dans laquelle ils l’enterrèrent.

Q. – Quand fut-il retrouvé ?

R. – Quinze jours plus tard.

Q. – Qui le trouva ?

R. – Quinze Frères, sur ordre du roi Salomon, sortirent du Temple par la porte de l’ouest, et se séparèrent en deux grou­pes, l’un allant vers la droite, l’autre vers la gauche, à portée de voix ; et ils se mirent d’accord que s’ils ne retrouvaient le Mot sur lui ou près de lui, le premier mot [prononcé] serait le Mot de Maître.

Un des Frères, plus fatigué que les autres, s’assit pour se reposer, et se saisit d’une brindille qui s’arracha aisément ; observant que la terre avait été retournée, il appela ses Frères qui poursuivant leurs recherches dé­cou­­vrirent son corps, enterré décemment dans une tombe de six pieds d’est en ouest et de six pieds en perpendiculaire ; son linceul était fait de mousse verte et d’herbe, ce qui ne manqua pas de les étonner.

Ils recouvrirent minutieusement le corps, placèrent un rameau d’acacia à la tête de la tombe et allèrent informer le roi Salomon [de leur découverte].

Q. – Que dit alors le roi Salomon ?

R. – Il ordonna qu’on récupérât le corps et qu’on l’enterrât décemment, et que quinze Compagnons, portant gants et tabliers blancs assistassent aux funérailles.

Q. – Comment nomme-t-on un Maître-Maçon ?

R. – Cassia [Acacia]0 est mon nom, et je viens d’une Loge juste et parfaite.

Q. – Où Hiram a-t-il été enterré ?

R. – Dans le Saint des Saints.

Au début de notre histoire donc, il y a le Premier Livre des Rois et le Second Livre des Chroniques. Hiram, fils d’une veuve de Nephthali, passe de l’état de fondeur d’airain à Maître des maçons. Ceci avant que ne se crée, au début du XVIIIe siècle, dans la discrétion des loges anglaises, un troisième degré dont il deviendra la pierre angulaire. Avec la publication de la Maçonnerie disséquée, premier ouvrage de divulgations maçonniques, la Lé­gende a pris forme. Elle a même intégré les cinq points de la Maîtrise qui étaient précédemment ceux du Compagnonnage. Bientôt, la Légende deviendra Mythe…

• Voir : Les Anciens Devoirs (Guy Chassagnard, Éditions Pascal Galodé, 2014). La Légende d’Hiram (Guy Chassagnard, Éditions Pascal Galodé, 2013).

© Guy Chassagnard – Tous droits réservés – chassagnard@orange.fr

www.theoldcharges.com

www.chassagnard.net

www.anciensdevoirs.com

www.masonic-info.com

Guy Chassagnard: