Menteurs, escrocs et manipulateurs n’ont pas attendu le XXIe siècle et le temps des « deep fakes » pour produire des faux à foison. Falsifications, canulars et autres arnaques sont de toutes les époques. La preuve avec le cinquième et dernier épisode de notre série d’été consacré à un faux qui continue aujourd’hui encore d’alimenter les cercles antisémites et complotistes : les prétendus Protocoles des Sages de Sion.
Un article du journal Sud-Ouest du 13 juillet 2022
RÉCIT. Les Protocoles des Sages de Sion, une théorie complotiste démontée il y a plus de 100 ans
Pour mesurer l’impact des Protocoles des Sages de Sion sur la société contemporaine, le bon vieux test du moteur de recherche suffit. Sur le plus utilisé d’entre eux, saisir ce titre vous propose aussitôt… 326 000 entrées. Alors qu’il a été établi voici plus d’un siècle que ce texte est un faux, son influence reste considérable.
Les Protocoles continuent d’être lus, consultés, édités, commentés et relayés dans les cercles antisémites et au-delà, jouant sur l’idée récurrente qu’on nous cache tout, qu’il existe un doute et qu’on se saurait trancher. Or, non seulement on peut mais c’est fait – et depuis longtemps : le texte est indubitablement une forgerie, un texte monté de toutes pièces au tout début du XXe siècle.
Pour mesurer l’impact des Protocoles des Sages de Sion sur la société contemporaine, le bon vieux test du moteur de recherche suffit. Sur le plus utilisé d’entre eux, saisir ce titre vous propose aussitôt… 326 000 entrées. Alors qu’il a été établi voici plus d’un siècle que ce texte est un faux, son influence reste considérable.
Les Protocoles continuent d’être lus, consultés, édités, commentés et relayés dans les cercles antisémites et au-delà, jouant sur l’idée récurrente qu’on nous cache tout, qu’il existe un doute et qu’on se saurait trancher. Or, non seulement on peut mais c’est fait – et depuis longtemps : le texte est indubitablement une forgerie, un texte monté de toutes pièces au tout début du XXe siècle.
Conférence secrète et complot
Que sont les Protocoles et que disent-ils ? Son texte se présente dans ses premières éditions sous la forme d’un petit fascicule d’une soixantaine de pages qui commence à circuler en Europe occidentale dans les mois qui suivent la Révolution de 1917 et la fin de la Première guerre mondiale.
Il s’organise en 24 chapitres – les fameux protocoles – et se présente comme la transcription d’une conférence secrète. Sujet de la rencontre : l’affirmation et la justification d’un vaste complot, un programme de domination du monde par une mystérieuse organisation juive universelle (« Le roi des juifs sera le vrai pape de l’univers, le patriarche de l’Église international ») associée à la franc-maçonnerie pour établir « le royaume d’Israël ».
Écrit à la première personne du pluriel, ce long exposé passablement indigeste d’ailleurs multiplie les formules choc : « Notre but est de posséder la force […] Notre mot d’ordre est l’hypocrisie […] Nous ne devons pas nous arrêter devant la corruption, la trahison et la tromperie toutes les fois qu’elles peuvent nous servir à atteindre notre but […] la soumission et le pouvoir ». Plus loin, « la plus grande force des temps présents est concentrée entre nos mains : c’est l’or. En deux jours, nous pouvons sortir de nos trésors secrets n’importe quelle somme ». Plus loin encore : « Les chrétiens sont un troupeau de moutons, et nous sommes pour eux des loups ». Etc., etc.
La haine des Juifs à l’état pur
Domination du monde, réduction des Chrétiens à la soumission et à l’esclavage, soutien sans conditions de la finance internationale, pratiques occultes et souterraines, mystérieux complots, complicité avec une franc-maçonnerie qui noyaute la police et les cercles du pouvoir pour mieux aider les conspirateurs… Les Protocoles n’inventent hélas pas grand-chose : son auteur ne fait que répéter en boucle les éternelles accusations qui circulent dès le Moyen Âge, à l’époque où on accusait les Juifs d’empoisonner les puits avec l’aide des lépreux – le tout sans l’ombre d’une preuve évidemment.
Même l’idée d’un faux document n’a rien d’original : au beau milieu du XVIe siècle, l’archevêque de Tolède Juan Martínez Silíceo s’était fendu en personne d’un faux resté célèbre, la Lettre des Juifs de Constantinople.