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LES CARBONARI ET LA CHARBONNERIE FRANCAISE


4° et dernier épisode de l’Histoire des sociétés secrètes sur France Culture consacré à Le siècle des sociétés secrètes, qui reprend des carbonari ?

Au XIXe siècle, les sociétés secrètes sont en effervescence. De la Charbonnerie française aux carbonari en Italie, comment ces sociétés deviennent-elles une composante essentielle des mouvements révolutionnaires, nationaux et libéraux contre les monarchies absolutistes ?

avec :

Jean-Yves Frétigné (historien, maître de conférences à l’Université de Rouen-Normandie, spécialiste de l’Italie contemporaine), Jean-Noël Tardy (historien, chercheur associé au Centre d’histoire du XIXe siècle de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, spécialiste de l’histoire des sociétés secrètes au XIXe siècle).

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En savoir plus

Le XIXe siècle, le siècle du secret. Dans ses Souvenirs de Genève, parus en 1839, Alexandre Andryane, proche des carbonari, rapporte les paroles du révolutionnaire Filippo Buonarroti : « Les hommes ont besoin, pour former une association politique efficace et permanente, d’être liés entre eux par des signes, des mystères qui flattent leur amour-propre, et donnent à la société dont ils font partie un air d’importance et de consistance que toute la moralité et l’estime réciproque des individus ne sauraient obtenir. »

Quels sont ces mystères et ces secrets ? Qui sont les hommes qui en ont tant besoin pour flatter leur amour-propre ?

Le développement de la Charbonnerie en France

Si les sociétés secrètes ne sont pas un phénomène propre au XIXe siècle, elles prennent à ce moment-là une envergure inédite. Les complots politiques, les rites initiatiques mystérieux, les signes de reconnaissance et autres mots de passe font partie intégrante de la scène géopolitique européenne du premier XIXe siècle. Ces sociétés rassemblent des libéraux de tous bords, qui ont en commun la volonté de renverser les pouvoirs absolutistes et autoritaires. La plus importante de ces sociétés, en France, est la Charbonnerie.

La Charbonnerie forestière de Franche-Comté et du Jura existe depuis le XVIIIe siècle, mais prend une ampleur nouvelle au XIXe siècle. Des aristocrates, des militaires, des bourgeois libéraux et des francs-maçons s’y retrouvent et tentent de mettre à mal la Restauration.

« À l’origine, cette charbonnerie forestière est une confrérie associée à un groupe de professionnels qui fabriquent le charbon de bois. À partir du XVIIIe siècle, cette forme de sociabilité commence à fasciner les élites urbaines des villes de Franche-Comté. Pour ces élites, il existe peut-être un savoir secret issu de la tradition des hommes qui travaillent le bois. Cette fascination engendre la montée d’une ‘maçonnerie concurrente’, appuyée sur des rituels issus de cette tradition charbonnière. Et comme ces villes de Franche-Comté sont des villes de garnison, ce modèle de sociabilité secrète se répand », nous explique l’historien Jean-Noël Tardy.

La Charbonnerie italienne : un objectif patriotique

Dans le même temps, le Risorgimento italien s’affirme. Les partisans de ce mouvement souhaitent rendre à l’Italie la place qui, selon eux, lui revient dans les Lettres et les Arts. Bientôt, un discours d’opposition politique vient enrichir cette réflexion. Ces intellectuels et révolutionnaires italiens cherchent à unifier l’Italie, et à se libérer du joug autrichien, en surmontant les nombreux obstacles qui se dressent sur la route de ce projet national : pluralité de langues et de cultures au sein de la péninsule, mais surtout la très autoritaire politique autrichienne.

« La Charbonnerie occupe une place importante dans le Risorgimento, qui correspond à la renaissance de l’Italie. Les charbonniers italiens appartiennent à la bourgeoisie et à l’aristocratie. Malgré une structure institutionnelle et une dimension sociale qui diffèrent selon les groupes de charbonniers, leur dénominateur commun est le combat patriotique anti-autrichien », nous dit l’historien Jean-Yves Frétigné.

La violence de la répression habsbourgeoise force les insurgés à agir dans l’ombre : c’est la naissance des carbonari italiens, qui jouent un rôle majeur lors des soulèvements de 1820 et 1821. La société secrète sera la matrice d’autres mouvements révolutionnaires, et notamment de Jeune-Italie, fondée par le révolutionnaire républicain Giuseppe Mazzini.

Comment ces sociétés secrètes se sont-elles affirmées contre la répression des régimes autoritaires et absolutistes, jusqu’à faire du XIXe le siècle du secret ? Quel rôle ont-elles joué dans l’affirmation des nationalités européennes ?

Pour en parler

Jean-Noël Tardy est historien, chercheur associé au Centre d’histoire du XIXe siècle de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Spécialiste de l’histoire des sociétés secrètes au XIXe siècle,il a publié L’Âge des ombres : Complots, conspirations et sociétés secrètes au XIXe siècle (Les Belles Lettres, 2015).

Jean-Yves Frétigné est historien, maître de conférences à l’Université de Rouen-Normandie, spécialiste de l’Italie contemporaine. Il est également Président de la Société d’études françaises du Risorgimento.

Il a notamment publié :

A.S.: