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Les cahiers Villard de Honnecourt n° 77 : les mythes arthuriens

« Les cahiers Villard de Honnecourt n° 77 » vient de paraître….

Dossier spécial sur « LES MYTHES ARTHURIENS ET LA FRANC-MACONNERIE DU XXIe SIECLE« 

EDITORIAL par Alain CANO, Grand Maître Provincial de Guyenne-Gascogne

Avec l’immersion dans la « Matière de Bretagne « , le mythe de la quête du Graal qui passe par l’épreuve est, avec la chevalerie arthurienne, une invitation au voyage dans le monde médiéval qui nous fait contemporains du temps des cathédrales.

Entre la fin du XIIe et le début du XIIIe siècle, de grands chantiers urbains couvrent la France, Chrétien de Troyes (Ii est, à n’en pas douter, le témoin des travaux des constructions de Notre-Dame de Paris et, probablement, de la cathédrale de Reims. L’architecture nouvelle de cet art que l’on appelle gothique, de nos jours, offre des spécificités originales: brisure des voûtes, jeux subtils d’ombres et de lumières par les vitraux, ordre mathématique des façades. Mesure, équilibre, connaissance du monde et élévation…

Cette époque est également celle des grands romans cycliques héritiers de Chrétien de Troyes -je pense particulièrement au cycle Lancelot-Graal-et n’y voir que la marque du hasard relèverait, selon moi, d’une vue étroite, voire de la méconnaissance de ce qui fut une période » d’exquise civilisation « . Aussi, pour peu que l’on aille regarder un  » peu plus profond dans le chapeau », selon le Petit Prince, on pourra y ressentir le même goût pour la fondation d’un monde cohérent, le même souci du détail ordonné. Ces » cathédrales en prose », qu’il nous est donné de parcourir, se sont voulues le miroir d’un monde orienté par la recherche et l’aspiration spirituelles.

Aussi dans le monde mystérieux et poétique qui reine s’offre à nous, celui du conte, du mythe et, aussi, de la mission; la logique brutale » ces grandes personnes qui ont toujours besoin d’explications » s’avère inappropriée, sous peine si l’on y succombait, de ne plus nous étonner, de ne pas sentir cette réalité qui frémit au-delà, de ne pas dévoiler les archétypes qui s’y cachent par la rencontre d’images symboliques, de situations fantastiques; en un mot, qu’elle nous soit à jamais hernétique. Le conte et le mythe abolissent la réalité immédiate et les images symboliquès, poétiques semblent des énergies qui s’expriment sous la forme de correspondances intuitives – ah ! Baudelaire nous invitant à laisser chanter à l’intérieur des résonances et harmoniques. Lire et entendre » avec les yeux et oreilles du coeur ».

Saint Thomas d’Aquin a écrit:  » Tout être qui tend à sa perfection tend à la ressemblance divine. « 

Aussi, dès le début de XIIIe siècle, en partant de Chrétien de Troyes et du conte du Graal- que l’auteur ne termina pas – ses continuateurs comme Robert de Boron vont donner au vaissel une coloration autre qu’ alchimique, en  » faisant  » le Saint Graal. Cette réorientation illustre d’ailleurs l’évolution des mentalités chevaleresques et, particulièrement, la multiplication de demandes d’une renaissance de la vie spirituelle. Les idées théologiques de Citeaux sont en plein essor et l’idéal courtois, le fine amor, se christianise. Cela nous moi, permettra de voyager, entre autres, avec Joseph d’Arimathie et Nicodème; déplacement majeur face à ses sources. C’est introduire un sens théologique, voire eschatologique au roman du Troyen, avec Jérusalem et la Passion, promesse de résurrection, sans oublier un autre compagnon de route: Bernard de Clairvaux, le cistercien, sa recherche, ses idées et le travail de l’homme en marche vers la beauté intérieure qui nous est si chère -, si parfaite qu’elle éclatera au dehors faisant advenir Galaad. Type même du chevalier  » parfait  » qui vit la mort initiatique en présence du Saint Graal. Et si Parsifal de Wagner peut nous accompagner également le long du chemin, permettez que j’ose la référence au jeu subtil en forme de spirale qui s’institue et anime l’engagement des chevaliers dans leur mission autour du roi et de la reine!

Dans cette structure en spirale – qui parle à beaucoup d’entre-nous le chevalier se meut à son rythme, joue sa propre partition, s’étonne parfois de se retrouver en prison, pour n’en être, ensuite, délivré que par le don de l’autre et ne s’aperçoit pas qu’il a rebroussé chemin… Oui! Le jeu de l’oie, chemin initiatique et désir fou – Merlin ? De parvenir au point central!

Dans La Reine et le Graal, Méla écrit:  » Un texte médiéval ne se lit jamais seul. Ce qu’il dérobe se laisse surprendre ailleurs. Les méandres sont aussi nécessaires aux critiques que l’errance aux chevaliers aventureux. « 

Cela ne vaut il pas aussi pour nos rituels?

A nous de mener la quête qui fait sens: ce11e du Saint Graal, à la fois pierre et vase, de Guenièvre et d’Arthur! Il nous faudra vivre et la figure de Judas est ô combien éclairante, la faute nécessaire, la trahison par nécessité divine, mais aussi le rire et la folie de Merlin, le mercure alchimique et nous devons passer les ponts qui nous ouvrent sur la question. Oui, ce qui importe, c’est poser la ou les questions

Avec ce Dossier Franc-Maçonnerie et mythes arthuriens, je souhaite que vous ressentiez, comme moi, ce que le serpent dit au Petit Prince:  » Je puis t’emporter plus loin qu’un navire. »

j’ajouterai, bien sûr: plus loin qu’un cheval…

Allez sur le site des « Cahiers de Villard de Honnecourt« 

A.S.: