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Le rôle de la Franc-Maçonnerie par la GLMF

Comme quoi même les Grands Maîtres planchent (ndlr…boutade !) ….. Le rôle de la Franc-Maçonnerie est une allocution de François Padovani, Grand Maître de la Grande Loge Mixte de France donnée lors du Colloque « Morale, Ethique & Éducation » le samedi 09 février 2013 à Marseille !

Une belle réflexion sur ce à quoi  la réflexion maçonnique peut conduire l’humain !

 Mesdames, Messieurs,

Nous avons coutume d’affirmer au cours de nos travaux maçonniques que nous élevons des temples à la vertu et construisons des prisons pour les vices.

Pourtant nous savons tous que les écoles d’éducation ne sont ni les temples, ni les prisons. Il n’est nul raison de subjuguer l’individu par des dieux ou des mythes ou de le soumettre par la peur ou la force pour qu’émerge l’Homme libre.

Il y a quelque chose de sacré dans la vocation de transmettre, d’éduquer, d’enseigner, mais ce sacré ne ressort pas du « fascinans et tremendum », fascination et terreur, engendrées par la Religion.

Je vous l’affirme, comme le faisait un ancien Président de la République pour de fausses raisons, “l’instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur”, oui, car leurs ministères respectifs n’ont rien de commun!

L’éducation n’est pas une affaire d’endoctrinement ou de dressage, mais, tel que nous la concevons, l’accès à une authentique morale laïque, universelle, profondément inscrite dans la réalité humaine.

L’éducation s’inscrit au premier chef dans l’acquisition des principes qui régissent la vie en société. Elle est une recherche d’harmonie qui repose tant sur l’heureux développement de l’individu que sur son habilité à construire une société plus juste et plus généreuse.

Alors, oui, la franc maçonnerie mixte, libérale et adogmatique, tant par son essence, par ses valeurs fondatrices, que par son mode de fonctionnement peut éclairer la mission des éducateurs, des enseignants, des professeurs, de tout ceux qui ont en leurs mains cette haute charge que de préparer les générations futures et d’aider à construire la société de demain.

J’évoquerai tout d’abord au cours de cette brève intervention, les situations respectives de la morale et de l’éthique dans la conduite de nos actions.

Nous l’avons bien compris, même si ces deux discours sont d’ordre normatif, ils ne sont pas de même nature. L’un tend en effet à l’universalité, à une forme d’absolu, le Bien, le Mal, conçus comme des valeurs souveraines et indépassables, c’est la Morale. L’éthique, quant à elle s’attache à ce qui est bon, ou mauvais, mais dans une fome plus relative et liée essentiellement à une pratique. Le Droit, la Médecine, la recherche scientifique, s’imposent des limites qui sont déterminées par l’éthique, plus que par la morale.

Si la morale nous conduit à agir par devoir, l’éthique commande à la concience. Si l’une semble acquise par l’éducation, l’autre est certainement le produit de la raison, de la connaissance, de l’analyse de situations déterminées devant lesquelles nous devons choisir d’agir dans une direction précise.

Alors comment peut-on parler d’une morale authentiquement laïque, puisque celle-ci n’aurait d’absolu que la condition humaine?

Nous, Francs-maçons, pensons qu’il existe une voie morale universelle, fondée sur la raison, sur l’éducation, sur la transmission, sur le respect de l’Autre. Mais je tiens à souligner que cette morale laïque va bien au-delà de l’éducation civique que l’on propose aujourd’hui aux écoliers.

Ce que les obscurantistes de tous bords nous ont toujours reproché en parlant de divinisation de l’Humanité nous l’assumons. Oui, la vérité, le bien, le bon, ne sont pas à chercher dans une extériorité transcendante mais bien en chacun d’entre nous. L’Homme est la mesure de toute chose, tel est bien là notre principe fondateur, qu’il y ait ou non de Grand Architecte de l’Univers.

La voie maçonnique s’ouvre par l’exercice et par la participation à des travaux en commun. et nous allons voir comment ces méthodes structurent cet ethos spécifique, cette éthique propre qui nous a permis jusqu’à aujourd’hui de durer.

Nous nous posons régulièrement la question: existe-t-il des valeurs spécifiquement maçonniques? Et il est parfois difficile d’y répondre. La liberté, la fraternité ou bien même l’égalité sont des valeurs que nous partageons avec la société française et avec une grande partie des sociétés occidentales. Au-delà, ce sont des principes auxquelles aspirent de nombreux Birmans, Iraniens où Egyptiens, qui les considèrent comme autant de lumières sur le chemin du développement politique et social de leurs pays.

Ce que propose la Franc-Maçonnerie c’est essentiellement une voie, un cheminement, soutenu par une pratique et par des méthodes. Nos outils, équerres, compas, fils à plomb, niveaux, dont les jeux s’articulent autour du pavé blanc et noir sont mis en oeuvre au cours de rituels savamment codifiés. Témoignages vivants et vécus de l’imagination symbolique de nos fondateurs, ces rites sont aujourd’hui encore l’objet de mises à jour, d’amendements, de novations, afin de mieux s’adapter aux exigences contemporaines, tout en restant fidèles à la tradition.

L’engagement, illustré par le serment, apparaît comme le premier pas de la démarche et éprouve la volonté et la responsabilité du futur initié. Qu’y a-t-il de mieux en effet que de solenniser ce passage par un moment fort, marque d’un avant et d’un après, illustration sensible d’un parcours qui s’ouvre chargé de promesses.

La discipline du rituel place la maîtrise des passions, imagée par un ensemble de postures signifiantes, comme une retenue nécessaire et préalable à la parole. La maçonnerie n’est pas un sport, mais elle s’approche de ce que les anthropologues appellent une technique du corps, comportant une gestuelle spécifique hautement signifiante et qu’il convient de respecter.

La retenue est donc un des modèles de la moralité maçonnique. « Sustine et abstine (supporte et abstiens-toi), tel est le moyen de se préparer à une sage modération » écrit Emmanuel Kant. Elle se déploie dans le silence obligé de l’apprenti qui ainsi apprend ou renforce son sens de l’écoute, s’oblige au respect de l’Autre et de sa divergence.

Le chemin de la vérité passe par l’humilité. « Laissons les métaux à la porte du temple », selon l’expression consacrée, veux que nous entrions dans la nudité de nos appartenances sociales, de nos carrières profanes, de nos opinions galvaudées, en faisant table rase. 

Le temple maçonnique devient ainsi cet espace sanctuarisé où l’on célèbre la vertu du travail. Non pas le laborieux exercice qui consiste à gagner de quoi vivre ou à maintenir un statut social, mais un accomplissement de soi qui concourt à l’enrichissement des autres. L’instruction, le partage des connaissances, la transmission des idées sont au cœur de nos principes et de nos méthodes.

Loin de toute dimension de pouvoir ou de hiérarchie, la progressivité se traduit par l’échelle des 3 premiers grades : Apprenti – Compagnon – Maître. Le premier est reconnu digne de recevoir un savoir. Le second est celui qui met en oeuvre ce savoir par le travail, tout en approfondissant ainsi ses connaissances et leur maturité. Le Maître, enfin, a prouvé sa capacité à transmettre, à créer un lien générationnel et à poursuivre l’oeuvre engagée, tel le maillon entre l’hier et le demain.

Accompagnant toutes ces étapes, les illustrant de manière sensible, nos symboles ne sont pas comparables aux dogmes figés des Eglises. L’imagination devient ici créatrice de valeur et de sens. Le symbolisme maçonnique réintroduit la créativité et le dynamisme de l’esprit en procédant par associations et en recourant aux métaphores. Le symbole procède à un véritable réenchantement de la pensée par le détour de l’imaginaire.

Enfin, mais nous pourrions évoquer tant d’autres points, la maçonnerie est une école de la sociabilité. Et l’on sait combien celle-ci est au cœur des processus d’intégration sociale. Forger et entretenir des relations avec ses pairs, sur un pied d’égalité et dans le respect mutuel, favoriser la communication entre les générations, entretenir la mixité sexuelle, sociale et professionnelle, tels sont à la fois les fins et les moyens de notre fraternité.

Ainsi, et vous l’aurez compris, au-delà des principes fondamentaux de notre Ordre, Liberté – Egalité – Fraternité – que nous partageons tous, profanes ou initiés, la Franc-Maçonnerie offre une voie et des méthodes qui doivent inspirer ceux qui ont la charge d’éduquer.

L’engagement et la responsabilité, la maîtrise de soi, la prudence nourrie par la réflexion, le souci de l’Autre, la modération, l’humilité, la vérité sur soi hors des appartenances sociales ou professionnelles, le lien entre les générations, l’apprentissage du silence comme un préalable au respect de la parole d’autrui, le goût du travail conçu comme un moyen de l’évolution personnelle, le sens de la transmission, le goût du partage des savoirs, l’imagination au service de la réflexion, et enfin la sociabilité… Toutes ces valeurs constituent des piliers pour l’apprentissage d’une morale laïque, d’une véritable éthique de l’être-ensemble.

Dans une société en questionnement, nombreux sont ceux qui viennent aujourd’hui dans nos loges réflechir à ce que sera l’avenir de l’Homme. Enseignants, chercheurs, formateurs, mais également managers et chefs d’entreprises viennent y trouver de nouvelles voies pour comprendre, transmettre, guider. Ils viennent y trouver un juste chemin entre la morale acquise et la réflexion éthique.

Nous sommes ainsi de plus en plus nombreux à vouloir réinventer la société autour de plus de justice, de solidarité et de mixité sociale. A la Grande Loge Mixte de France nous plaçons chaque jour ces débats au cœur de nos travaux, persuadés que l’éducation est un des piliers d’une société ouverte, démocratique et harmonieuse.

François Padovani, Grand Maître de la Grande Loge Mixte de France 

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A.S.: