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L’antimaçonnisme : une réalité des plus actuelles

Noé Lamech était un « adepte » des editos de Jacques Tornay de la revue maçonnique « Alpina » de la Grande Loge Suisse Alpina (GLSA)

Je perpétue donc naturellement cet engouement  en vous présentant celui de novembre 2014 qui aborde le thème de  « L’antimaçonnisme : une réalité des plus actuelles« 

Laissons à la porte les bulles papales condamnant la franc-maçonnerie, les lois et décrets gouvernementaux allant dans le même sens. Oublions pour un temps les abbé Barruel et autres Léo Taxil. L’antimaçonnisme n’appartient pas qu’au passé, il est plus que jamais d’actualité. Présent ici et maintenant.

Jacques Tornay

C’est une réalité contemporaine qui prend une ampleur et des formes dont il importe de saisir la mesure. Historiquement, on distingue deux types d’antimaçonnisme : 1 ) l’accusation de menées subversives contre la religion, donc de satanisme. 2 ) L’accusation de manipulation politique et sociale. Ce double courant n’a cessé d’alimenter une sourde animosité à l’encontre de notre institution, jusqu’à des conflits idéologiques ouverts et sans merci. Plus souvent qu’à leur tour, les ultramontains sont montés en première ligne.

En 2014, l’intégrisme ecclésiastique et les milieux nationalistes, ennemis traditionnels de la maçonnerie, sont appuyés par d’autres mouvements non moins militants. L’un d’eux, informel dans sa structure, est celui des anticonspirationnistes qui par l’internet et autres moyens de communication s’est rapidement étendu à l’échelle planétaire et témoigne d’un impact considérable, surtout auprès des jeunes en quête d’explications faciles. Ils raniment la théorie éculée selon laquelle depuis les temps les plus lointains des personnages occultes tenteraient secrètement de dominer le monde. Tout leur est prétexte à élaborer des thèses, ils décèlent un complot derrière chaque événement de l’actualité. Ainsi, dans nos villes, une représentation ou un monument un tant soit peu ésotérique serait la preuve d’une mainmise maçonnique, par exemple l’obélisque ou des géométries de l’Egypte ancienne, symboles étrangers à nos enseignements. Ces activistes n’ont pas de credo politique affirmé, ce qui leur permet d’incriminer l’ensemble des partis.

Une inquiétante complaisance

Cette configuration se focalise sur les Illuminati. Or, cette association créée au 18e siècle par Adam Weishaupt sous l’appellation des « Illuminés de Bavière » ne figure pas au programme des loges, même si calquée plus ou moins sur des principes semblables aux nôtres, à l’instar d’autres sociétés. Toutefois, l’Art Royal n’est pas leur seule cible. En vrac, ces groupes fustigent avec une pareille véhémence les têtes couronnées, la famille Rothschild et leurs pairs, le fameux groupe Bilderberg, le nouvel ordre mondial. Sur certains sites on lit d’ahurissants montages intellectuels basés sur l’Ancien Testament pour dénigrer le peuple hébreux. Antimaçonnisme et antisémitisme vont fréquemment de concert, le second pouvant se camoufler sous la lutte contre le sionisme. Citons Philippe Pétain : « Un juif n’est jamais responsable de ses origines, un franc-maçon l’est toujours de son choix ». Il n’est pas rare non plus que les anticonspirationnistes soient d’une inquiétante complaisance à l’égard de l’islamisme. Ceci explique peutêtre cela.

Ne nous leurrons pas, au-delà de la franc-maçonnerie ce sont les valeurs des droits de l’homme, de la libre expression et du respect de tous nos semblables que visent nos détracteurs. À ce titre nous avons, chacun, un devoir de vigilance à observer.

La situation se dégrade

Préoccupantes aussi sont les déprédations auxquelles on assiste depuis quelques années. La plus récente d’entre elles qui nous est connue a eu lieu le 28 septembre dernier, à Paris, avec l’inscription « Non à la République maçonnique » devant le siège de la Grande Loge de France. Cela pendant qu’à l’intérieur dubâtiment l’obédience donnait son dîner annuel en présence d’invités de marque des sphères politique et culturelle. N’a-t-on pas vu, durant l’été, un graffiti ordurier sur un mur en ville de Lausanne ? Désormais, on affiche impunément de pareils slogans dans l’espace public. Guette le danger de la banalisation. D’aucuns diront : tout passe, tout lasse. À voir. Par ailleurs, quand des magazines à grand tirage, et qui entendent l’augmenter, comme Le Nouvel Observateur titrant en couverture « Ces francs-maçons qui nous gouvernent » ou Le Point « François Hollande et ses francsmaçons » ne court-on pas le risque d’attiser la méfiance ou de confirmer les présomptions du citoyen lambda ? La question reste posée.

Au cours de leur histoire les francsmaçons auront ignoré le plus souvent les attaques portées contre eux. Le silence est une arme à double tranchant. D’une part, ceux d’en face invoqueront l’adage « qui ne dit mot consent », quitte à nourrir plus de fantasmes encore. D’autre part, répondre se résume presque invariablement à un dialogue de sourds. Quel que soit l’argument avancé, il sera réfuté ; il apportera même de l’eau à leur moulin. Ce qui leur importe n’est pas la réalité objective, mais ce dont ils sont convaincus. Aussi longtemps qu’une action ou des propos ne tombent pas sous le coup de la loi on ne peut s’opposer à des idées que sur le plan moral. Il serait contradictoire que les francs-maçons, attachés aux libertés de presse et de conscience, deviennent des censeurs… Il nous appartient néanmoins de relever le défi d’informer et d’instruire.

Négation des fondamentaux

 Si la maçonnerie a quelque influence dans la marche du monde, elle est sans commune mesure avec celle que lui prête les antis. Ceux-ci, en revanche, nient ses dimensions spirituelle et philosophique, ou les détournent à leur profit. Ils n’ont cure de la démarche d’introspection, du travail sur soi à la base de l’engagement du maçon, et de ses ouvrages dans la société civile. Cela étant, il serait profitable de tempérer certaines discussions byzantines sur la régularité et son contraire car pour ceux décidés à nous balayer du paysage, telle obédience ou telle autre c’est bonnet blanc et blanc bonnet. Comme l’affirmait il y a peu Roger Dachez dans ce magazine, il convient de «nous respecter mutuellement dans nos différences».

A.S.: