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L agencement humain dans le temps et l espace maçonniques

L’agencement humain dans le temps et l’espace maçonniques est le titre d’un article paru dans la revue maçonnique « ALPINA » de la Grande Loge Suisse Alpina (GLSA)

Un texte intéressant sur les bases de l’organisation de la loge maçonnique !


L’organisation interne d’une loge maçonnique, dans les rôles de ceux qui la dirigent, témoigne d’un mode de fonctionnement qui ne doit rien au hasard. Il s’agit d’un encadrement qui à moult égards peut être considéré d’exemplaire. La preuve de sa fonctionnalité n’est plus à faire. L’efficacité d’un atelier, cellule de base, permet à la francmaçonnerie d’être à la hauteur des tâches qu’elle se propose d’accomplir.

Ce serait le comble qu’une société telle que la nôtre, basée sur le symbolisme de la construction et dont les membres se donnent pour ambition de bâtir le « temple de l’humanité » ne soit pas gérée sur de solides bases qui lui assurent non seulement la stabilité organisationnelle, mais lui confèrent en plus les moyens de poursuivre ses objectifs dans l’espace et le temps. Telle est précisément la raison de sa structure bien charpentée dont les éléments répondent à des buts définis. Cela fait que la maçonnerie est d’abord un ordre dans l’acception initiatique du terme. On lui a apposé des références religieuses, chevaleresques, monarchiques plus ou moins évidentes. Il demeure que l’idée d’ordre relève de la tradition pour ce qui concerne la vie de la loge, par conséquent dépouillée de commandement au sens où on l’entend habituellement. La contrainte n’est pas de mise. Mais ordre signifie également règles et rythmes établis afin qu’émerge l’harmonie.

« Si l’une des fonctions prétend à la primauté il n’y a plus de fraternité. »

Le déroulement exact des travaux est fonction de la discipline que chaque participant s’impose dans le cadre qui est le sien. Il joue sa partition, en étroite symbiose toutefois avec celle de ses collègues. Ainsi peut-on en bonne intelligence espérer construire ensemble une oeuvre substantielle. Le terme de hiérarchie n’est pas adéquat non plus. Il supposerait que certains auraient un rang privilégié de par leur exercice dans l’atelier, or il n’en est rien. Si des fonctions réclament davantage d’engagement que d’autres, chacune a sa place définie et toutes sont nécessaires en cela qu’elles forment un corps indivisible. Que l’on en supprime une et la stabilité de l’ensemble en serait compromise, l’édifice deviendrait handicapé. Daniel Beresniak le dit très justement : « Si l’une de ces fonctions prétend à la primauté, alors il n’y a plus de fraternité et la voie initiatique est fermée. C’est pourquoi, dans le rituel, la dimension est le temps, l’ordre choisi pour appeler les différents officiers au travail n’implique aucune préséance. Ainsi lorsque l’on bâtit, il convient de poser une pierre avant l’autre. Celle qui est soutenue n’est pas «supérieure» à celle qui la soutient. ». Le degré de responsabilité individuelle est le même pour tous, quel que soit l’office que l’on occupe.

Au début ils étaient trois

D’ailleurs, quel hypothétique honneur retirerait-on d’une mission à ce point limitée dans sa durée ? Après l’avoir accomplie, le titulaire revient sur les colonnes du temple, sans s’attendre à de la gratitude de la part de ses pairs. Cela vaut également pour qui détient une position faîtière sur le plan obédientiel, en particulier dans notre Grande Loge Suisse Alpina ( GLSA ). Lorsque nous demandons à un Grand Maître fraîchement descendu de charge de nous dresser un bilan de son mandat quadriennal, il entre invariablement dans sa réponse la notion d’avoir fait son devoir. La simple estime fraternelle suffit à tout dans nos échanges. Ecole de perfectionnement, la franc-maçonnerie devrait également en être une de modestie.

Mais d’où provient cet agencement humain si particulier à la loge ? La GLSA, précisément, souligne d’emblée au point 1 de ses « Principes généraux » que notre alliance « est une association d’hommes libres qui fait remonter son origine aux corporations et confréries maçonniques du Moyen Âge. » Ajoutons-y les guildes d’inspiration anglaise dévouées aux intérêts des métiers artisanaux et dont les affiliés portaient, y compris lors de manifestations publiques, un sautoir agrémenté du signe distinctif de leur profession.

« Les officiers ré-activent la lumière intérieure du maçon. »

C’est là, dès l’aube de la maçonnerie opérative, que sont les sources indubitables de nos usages, en l’occurence dans la répartition administrative des charges. Il est notoire qu’il n’y avait alors guère que le maître du chantier, assisté d ’un surveillant qui était son adjoint ou intendant pour diriger les réunions. Plus tard, un second surveillant fut invité à se joindre au duo. Le patron seul désignait ses aides. Longtemps, séances et tenues étaient administrées à eux trois. Puis l’effectif directeur s’étoffa vu l’augmentation du nombre des adeptes, l’ornement symbolique du local des rencontres et la ritualisation de celles-ci.

Des historiens font remonter au début de l’ère spéculative, soit vers 1720, l’adjonction de nouveaux postes. « Enfin, on voit apparaître, à partir du milieu du XVIIIe siècle, un Maître des Cérémonies et un Architecte, qui sont les ancêtres des Experts », écrit Ludovic Marcos en parlant du Rite Français. À cette époque de développement dans la théorie et le modus operandi de la franc-maçonnerie, le collège des officiers prendra, du moins en Europe continentale, la forme qui sera plus ou moins celle que nous lui connaissons de nos jours. Compte tenu évidemment des systèmes en vigueur et des modifications toujours possibles en cours de route. Rappelons l’importance du tableau ou tapis de loge, projection du temple et résumé de sa sacralité. Dominique Jardin stipule qu’en oeuvrant dans sa proximité « les officiers ré-activent la lumière intérieure du maçon, reçue lors de l’initiation, en même temps qu’ils recréent l’univers. » Gestes, mouvements et paroles ont, chacun d’eux, une valeur d’édification à la fois terrestre et spirituelle.

Chaque rite a ses composants

Depuis des lustres des frères s’interrogent sur le bien-fondé de tel ou tel emplacement de plateau, à quel moment convient-il de faire ceci ou cela, combien de dalles le pavé mosaïque devrait-il comporter, etc. Chacun y va de sa prétendue autorité. Articles et essais sont publiés qui se contredisent allègrement. « Seule la fréquentation assidue et diversifiée de loges de rites différents peut mettre un terme à des évaluations à l’emportepièce », affirme Jacques Herman. Ce type de débat souvent byzantin n’apporte en effet pas grand-chose à la maçonnerie comme elle devrait se vivre, c’està- dire de l’intérieur. Un rituel doit être bien exécuté de bout en bout, en connaissance de cause, avec du coeur à l’ouvrage et selon l’enseignement reçu. Le reste est littérature dirait Paul Verlaine. J.T.

A.S.: