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Interview de André Noël Dubart à Mont de Marsan

« Sud-Ouest » a publié le 13 novembre 2010 un entretien avec André-Noël Dubart, Grand Maître de la Grande Loge de France, dans le cadre de la conférence donné le 12 novembre 2010 à Mont de Marsan (CF. https://www.gadlu.info/conference-a-mont-de-marsan-la-grande-loge-de-france-aujourd%e2%80%99hui-pourquoi.html)

La conférence dont le thème était « La Grande Loge de France, aujourd’hui, Pourquoi ? » avait donné à l’occasion du centenaire d’une loge locale de l’obédience..

Source : http://www.sudouest.fr/2010/11/13/la-loge-a-100-ans-237966-3452.php

« Sud Ouest ». La loge de Mont-de-Marsan a 100 ans. Les Landes sont-elles une terre où la franc-maçonnerie est particulièrement représentée ?

André-Noël Dubart. Au-delà des Landes, c’est vrai de la région Sud-Ouest en général. Cela tient à des raisons historiques. C’est avant tout une terre radicale socialiste. Et c’était particulièrement vrai sous la IIIe République. Les combats pour la laïcité et l’idéal républicains qui ont été menés sont concomitants à ceux des francs-maçons. C’est un peu différent dans des départements comme ceux de l’Ouest où il y a eu un antagonisme avec la structuration de l’église catholique. Ces clivages n’existent plus vraiment, si ce n’est encore un peu dans les têtes.

Vous tenez ce soir (hier) une réunion publique, ce n’est pas complètement dans les habitudes maçonniques. Qu’est-ce qui fait que maintenant, vous parlez ?

Oui, il y a sans doute un virage et une volonté d’ouverture. Cela tient à plusieurs raisons. D’abord, on constate aujourd’hui une forte résurgence des phénomènes sectaires. Beaucoup de gens sont perdus et ont tendance à s’adresser à ces officines.

Vous préféreriez les voir venir chez vous…

(Rires). Je préfère que les hommes et les femmes prennent le temps de réfléchir. Je ne crois pas qu’appartenir à une secte donne un sens à sa vie !

Mais la seconde raison est qu’il y a eu, il y a quelques années, des affaires qui ont impliqué des francs-maçons. Cela a montré la maçonnerie sous un jour politico-financier. Cela a accroché les médias à juste titre, mais c’est une partie faible de la vie maçonnique réelle. Alors, autant expliquer ce que c’est.

En quelques mots, qu’est-ce que la franc-maçonnerie ?

C’est un ordre initiatique. Être franc-maçon, c’est à la fois vivre en fonction d’une règle, mais c’est aussi appartenir à une alliance d’hommes libres et éclairés qui travaillent au perfectionnement matériel et moral de l’humanité. Ça prend du temps ! Ce n’est pas une école qui délivrerait une doctrine. Le rite crée un cadre où vous pouvez vous interroger, mais il ne donne pas le cadre de ce que vous devez penser !

La maçonnerie, c’est participer à des échanges qui permettent à chacun de se former et développer sa pensée critique. Nous abordons très peu les questions politiques. Notre réflexion se situe en amont dans une démarche de spiritualité laïque. Nous nous attachons principalement à des questions éthiques. La loge n’impose jamais une manière de comprendre le monde, même si nous restons attachés à un socle humaniste. Vous ne verrez jamais un franc-maçon dire qu’il faut chasser les étrangers parce qu’ils sont étrangers.

Qu’est-ce qui vous différencie d’autres obédiences comme la Grande Loge nationale de France (GLNF), très active dans les médias ?

La principale différence est que pour appartenir à la GLNF, il est nécessaire de croire en Dieu, ce qui, de notre point de vue, n’a pas de sens. Ceci dit, nous travaillons pour la gloire du grand architecte de l’univers. Mais derrière cette notion, chacun y met ce qu’il veut. De même, pour nous, la Bible n’est pas un livre religieux à accepter intégralement.

Au-delà de la dimension spirituelle et intellectuelle, la franc-maçonnerie n’est-elle pas aussi pour certains un moyen d’entretenir des réseaux d’influence ?

Il faut moduler tout ça. Il est clair qu’il y a eu plusieurs affaires embarrassantes, notamment en 2001 sur la Côte d’Azur, ou autour de certains magistrats. Le problème vient surtout des « fraternelles », ces structures réunissant des frères de même profession et d’obédiences différentes. Moi, je suis médecin. Une association de médecins francs-maçons, je ne suis pas sûr que cela pose des problèmes. En revanche, des associations de frères en lien avec le BTP, évidemment vous pouvez vous poser des questions. Une structure de surveillance a été créée pour éviter les dérapages. Depuis quelques années, il y a aussi eu du ménage ! Mais vous ne pouvez pas empêcher les gens de se mettre en association.

Le secret encourage les fantasmes… Est-il encore nécessaire ?

Nous y sommes attachés. D’abord, il faut se souvenir que les francs-maçons ont dans l’Histoire fait l’objet de persécutions. Je vous renvoie à l’expression « judéo-maçonnique » chère à l’extrême droite. Mais le secret me paraît fondamental dans la démarche maçonnique elle-même qui est une démarche intime. Au cours d’une réunion, chaque frère doit pouvoir aller au bout de sa pensée et dire exactement tout ce qu’il veut dire. Et même des choses gênantes. Cela n’est possible que s’il a la garantie que l’on n’en entendra pas parler le lendemain au café du Commerce.

Il y aura toujours des gens pour penser que des décisions sont prises par des gens qui se sont mis d’accord dans les loges. Mais la réalité du travail maçonnique, ce n’est pas ça. D’ailleurs, à la GLF, la majorité des frères sont issus de la classe moyenne. Il y a quelques élus locaux, mais surtout des enseignants, des médecins. Malheureusement, nous avons peu d’ouvriers et de paysans. Mais si vous voulez vous faire un carnet d’adresses, ce n’est pas chez nous qu’il faut venir !

A.S.: