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« Gnothi seauton : Connais-toi toi même » de Patrick Carré

Patrick Carré poète, philosophe, et Franc-Maçon vient sur GADLU.INFO nous offrir une chronique pour nous parler et donner du « sens », pour recentrer la réflexion sur les Maçons eux-mêmes. Sa signature est « Etre bien en soi-même, sans se déconnecter du chaos ambiant« .

Aujourd’hui Gnothi seauton : Connais-toi toi même »… une chronique qui relie l’apprentissage du symbolisme et l’enseignement du grec et du latin pour les mettre en valeur et préserver leur transmission, alors qu’ils sont gravement mis en danger dans la nouvelle loi sur l’éducation…

Gnothi seauton : Connais-toi toi même

« Connais-toi toi même, et tu connaîtras l’Univers et les dieux » (gravé au fronton du temple de Delphes) et « Deviens ce que tu es » (attribuée à Pindare, l’un des plus célèbres poètes lyriques grecs), relient dès le premier degré des Rites les Maçons à la philosophie grecque (« philosophie » du grec ancien « φιλοσοφία », composé de « φιλεῖν, philein, aimer » et de « σοφία, sophia, sagesse »), qui ainsi dès leurs premiers pas aspirent à la sagesse, à « aimer être sage ». Mais patience… si cette aspiration passionnelle donne du souffle aux Maçons pour faire leurs premiers pas après leur initiation rituelle, seul un travail « régulier » sur le sens des symboles, qui sont les « racines » du langage symbolique, sont susceptibles d’éclairer l’initié(e) sur le sens de l’aspiration elle-même, sur sa raison d’être !

Les Maçons ne prennent vraiment conscience de cette « raison d’être initié(e) » que bien des années après la cérémonie d’initiation, car au-delà des chocs émotionnels de ce « jour J », destinés à déclencher leur éveil spirituel et stimuler un autre regard sur le monde, leur apprentissage des symboles-racines du langage symbolique ne fait que commencer, un langage destiné à éclairer des champs croissants de connaissances et à révéler des niveaux de conscience « éclairées » encore insoupçonnés. C’est de l’entrecroisement de ces symboles-racines que jaillissent les éclairs de lucidité des Maçons éclairant leur parcours, et c’est pourquoi les symboles-outils entrecroisés sont omniprésents dans la Loge et sur le Tableau de Loge : compas-équerre, canne-épée, ciseau-maillet, croix de la planche à tracer, croisillons des fenêtres, pavé mosaïque, …, ces symboles-outils déjà entrecroisés préparant des croisements à d’autres « niveaux » de connaissance et de conscience, le couple alchimique Soleil-Lune en particulier.

L’emblème de ces entrecroisements de pensées et d’idées est « la lettre grecque « X » (khi), symbole de la lumière manifestée, initiale des mots Χώνη, Χρυσός et Χρόνος, le creuset, l’or et le temps, triple inconnue du Grand Œuvre. La croix de Saint-André (Χίασμα), qui a la forme de notre X français, est l’hiéroglyphe, réduit à sa plus simple expression, des radiations lumineuses et divergentes émanées d’un foyer unique. Elle apparaît donc comme le graphique de l’étincelle. On en peut multiplier le rayonnement, il est impossible de le simplifier d’avantage. Ces lignes entre-croisées donnent le schéma du scintillement des étoiles, de la dispersion rayonnante de tout ce qui brille, éclaire, irradie. Aussi en a-t-on fait le sceau, la marque de l’illumination et, par extension, de la révélation spirituelle… Le X grec et le X français représentent l’écriture de la lumière par la lumière même, la trace son passage, la manifestation de son mouvement, l’affirmation de sa réalité. C’est sa véritable signature… Ce symbole de la lumière se retrouve dans l’organe visuel de l’homme, fenêtre de l’âme ouverte sur la nature. C’est le croisement en x des bandelettes et des nerfs optiques que les anatomistes nomment « chiasma » (du grec Χίασμα, disposition en croix, de Χιάζω, croiser en X). (Fulcanelli, Les Demeures Philosophales)

Ainsi, la langue grecque est un pont reliant les « mystères » d’Eleusis à ceux de la Franc-Maçonnerie », les « Mystes » aux Maçons, les uns et les autres étant ouverts à tous, riches et pauvres, hommes libres et esclaves, hommes et femmes. Alors « γνῶθι σεαυτόν, gnothi seauton, connais-toi toi-même » … en allant au-delà des citations et en étudiant le grec et le latin pour découvrir les racines vivantes de la langue et de la pensée, de la connaissance et de conscience. La « liberté de penser » conférée par ces racines à la pensée revivifiée, voilà ce que détestent les post-soixante-huitards qui nous gouvernent, car le grec et le latin redressent de l’intérieur le français écrit et parlé, donnent du sens au moindre des mots et les libèrent des pensées uniques et dogmatiques.

« gnothi seauton » … autrement dit, « travaille » à te connaître toi-même ! et voilà le mot à éradiquer du vocabulaire scolaire (du latin classique « eradicare, arracher », formé du préfixe « e », variante d’ « ex », signifiant « hors », et de « radix, racine »)  : le travail ! « Travail », en grec ancien, est l’un des sens du mot « érgon : action, œuvre, travail, … », et s’écarte du sens donné par la racine latine « tripalium, instrument de torture à trois poutres ». Devinez alors  à quelle racine nos pédagogues patentés font référence pour libérer les élèves de tout effort de mémorisation ou de calcul mental : au « tripalium » bien sûr !

Les vertus de l’apprentissage du grec et du latin éclairent singulièrement celles de l’étude des symboles en Franc-Maçonnerie et dans la Loge en particulier sous la direction des Surveillants. « Latin et grec dégagent l’élève de son environnement immédiat, l’arrachent à son moi et lui donnent l’idée de l’étrangeté, du système différent, de la mentalité autre qui sont le gage d’un esprit libre… Là où règne souvent en français l’imprécision, surtout dans le langage de nos élèves, le latin exige de déterminer avant de nommer, désigne l’environnement avant son centre… Les langues anciennes obligent, par leur nature même, leurs différences, leurs déclinaisons, à une attention permanente, à une école de concentration, et servent souvent à la rééducation : réapprentissage de la lecture des mots, apprentissage de la concentration, exigence du sens, que l’on nous prône maintenant de négliger. Elles donnent par la même occasion de solides réflexes de classement et de logique ; écoles d’agencements et de relations permanentes entre les éléments, elles obligent à coordonner, séparer, trier, en permanence. L’étymologie redonne aussi le sens des opérations mentales : en latin, « penser » et « calculer » sont les deux sens d’un même mot, « ration » et « raison » procèdent du même terme, et ainsi de suite. Une des plus grandes calomnies est de dire que le latin ou le grec sont ennuyeux, alors que le lexique y est un véritable plaisir…

« On veut supprimer le latin et le grec (comme on marginalise le symbolisme dans certaines Loges et Obédiences) parce qu’ils ne se prêtent pas du tout à l’idéologie réformatrice. Les langues anciennes ont un passé, sont le passé, déjà un cruel handicap pour qui ne prône que l’immédiateté. Elles fatiguent, là où on prône le plaisir. Elles distinguent, parce que leur apprentissage est exigeant. Elles réclament l’apprentissage de savoirs, violence suprême faite à des êtres malléables. Elles ne peuvent se satisfaire de superficialité, sauf à disparaître. Elles se prêtent peu au constructivisme, qui élimine le professeur pour laisser l’élève « construire ses propres savoirs ». Elles réclament une opération conceptuelle, peu acceptable dans une école où l’utilité et la soumission doivent primer. » (Agnès Joste, professeur de lettres et membre du collectif « Sauver les lettres » http://www.sauv.net )

Mieux encore, les Maçons qui travaillent « à l’ordre » et conjuguent pareillement passion et rectitude intellectuelle dans l’étude des symboles, pourraient remplacer « philologie » par « symbolisme » dans ces mots de Friedrich Nietzsche (philosophe et philologue – on peut reconnaître son génie sans être nihiliste) sur l’art de lire un texte en grec ancien : « La philologie (le symbolisme) est cet art « vénérable » qui exige avant tout de son admirateur une chose : se tenir à l’écart, prendre son temps, devenir silencieux, devenir lent, comme un art, une connaissance d’orfèvre appliquée au mot, un art qui n’a à exécuter que du travail subtil et précautionneux et n’arrive à rien s’il n’y arrive « lento ». C’est en cela précisément que la philologie (le symbolisme) est aujourd’hui plus nécessaire que jamais, dans un âge de hâte, de précipitation indécente et suante qui veut tout de suite « en avoir fini » avec tout… La philologie (le symbolisme) enseigne à bien lire, c’est-à-dire lentement, profondément, en regardant prudemment derrière et devant soi, avec des arrière-pensées, avec des portes ouvertes, avec des doigts et des yeux subtils… ».

Les Maçons sont ainsi particulièrement qualifiés pour s’élever en toute connaissance de cause contre le projet de l’Education Nationale dévalorisant l’enseignement du grec et du latin, et substituer au « nivellement par le bas » une « remise à niveau » exigeante et sans concession.

Patrick Carré


Patrick Carré, né le 14 janvier 1953, est poète, philosophe, et Franc-Maçon français. Son œuvre littéraire et artistique comprend un nombre considérable de poèmes et de textes philosophiques principalement sur l’Initiation Traditionnelle à la vie spirituelle.

Initié à 23 ans à la Grande Loge de France, il est membre de la Juridiction du Suprême Conseil de France, de Rite Ecossais Ancien et Accepté.

Diplômé de Philosophie (Faculté de Rennes), de Gestion (IGR et Enass), d’Arts Plastiques (Institut Van der Kelen-Logelain à Bruxelles et CAP de potier tourneur).

Son site internet « Patrick Carré Poésie » http://www.patrick-carre-poesie.net/  de 1000 pages, premier site de langue française d’études et de poèmes d’un Franc-Maçon avec plus de 800.000 visiteurs, concentre ses travaux et recherches sur l’Initiation Maçonnique, en particulier tous les degrés du Rite Ecossais Ancien et Accepté (REAA), symbolisant l’Œuvre alchimique de perfectionnement et de transformation intérieure des Maçons.

Livres et disque

  • Livre « Francs-Maçons Alchimistes » (2015) (Editeur LiberFaber http://liberfaber.com/fr/accueil.html )
  • CD « Le Flambeau » (incluant le recueil des 12 poèmes) (2013)
  • Livre « Cathédrales » (2006)
  • Livre « La Femme Chair, Cœur, Esprit » (2006)

Conférences

  • Pensée symbolique et pensée sensible, illustrées par Dürer
  • La pensée symbolique
  • La Femme et la mixité en Franc-Maçonnerie
  • La poésie en Franc-Maçonnerie
  • L’univers du potier tourneur
  • Le vitrail alchimique de la Cathédrale d’Orléans

Membre aux USA de la Masonry Poetry Society ( http://www.mpoets.org/ProceedingsNo7.htm )

Lauréat France Musique Contes du jour et de la nuit (émission du 12/06/2014) ( http://www.francemusique.fr/emission/contes-du-jour-et-de-la-nuit/2013-2014/selection-france-2-du-4e-appel-ecriture-patrick-carre-5-5-06-12-2014-00-00 )


A.S.: