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CONTE – LA MAGIE DE L’ENFANCE

LA MAGIE DE L’ENFANCE

Tu sais, je crois à la magie. Je suis né et j’ai grandi à un moment magique, dans une ville magique, parmi des magiciens.

La plupart des gens ne se rendaient pas compte de la magie qui nous entourait et ignoraient même que nous étions, et sommes toujours, liés par les filaments argentés du hasard et des circonstances.

Mais moi, je le savais depuis le début. Quand j’avais douze ans, le monde était la lanterne magique qui me permettait, grâce à un petit esprit vert, de saisir le passé, le présent et le futur. D’autres personnes, j’en étais sûr, pouvaient également le faire, mais elles ne s’en souvenaient pas…

Voici ce que je pense. Au début, nous connaissons tous la magie. Nous naissons tous avec des tourbillons de tempêtes, des forêts à perte de vue et des comètes en nous.

Nous sommes capables de chanter avec les oiseaux, de lire les nuages et d’entrevoir notre destin dans les grains de sable. Mais, par la suite, on expulse la magie de notre âme : l’éducation religieuse la rejette souvent, l’éducation scolaire l’emprisonne, et l’éducation familiale l’oublie presque toujours.

On insiste : il nous faut absolument être hyper responsable, suivre des chemins préétablis, et grandir et agir en total accord avec notre âge.

La raison d’une telle obstination ? Les gens ont peur de notre authenticité et de notre fraîcheur…, et la magie qui existe en nous les rend honteux et tristes, car, alors, ils deviennent conscients de la magie qu’ils ont laissé mourir en eux. Après s’en être éloigné, on ne peut pas vraiment y revenir…

On y revient juste quelques minutes, quelques secondes pour en prendre conscience et s’en souvenir. Lorsque les gens pleurent au cinéma, c’est parce que dans l’obscurité de la salle on touche du doigt l’enchantement… encore que brièvement. Le noir permet que le magique lac doré les touche. Mais ensuite, ils ressortent à la lumière de la raison et de la logique, et la magie disparaît. Ils s’en vont tristes et perplexes, sans même savoir pourquoi.

Chaque fois qu’une chanson éveille une mémoire, chaque fois que des poussières légères miroitent dans un rayon de lumière et détournent notre attention du monde visible, lorsque dans la nuit on écoute au loin le petit bruit d’un train, en se demandant où il va…, nous rejoignons un royaume féerique et plein de merveilles.

C’est ce en quoi je crois. Mais, hélas ! souvent, plus on vit, plus l’essence magique qui naît avec nous disparaît. Un peu plus chaque année. Pour une raison ou pour une autre, on oublie la boussole et on s’égare. Les fardeaux quotidiens, les deuils de toute sorte, les accidents, les circonstances qui nous paralysent au lieu de nous faire avancer…

La vie elle-même fait de son mieux pour nous éloigner de ces souvenirs prodigieux. Combien de labyrinthes… Et nous ignorons ce qui se passe jusqu’au jour où nous sentons que nous avons perdu quelque chose… Mais nous ne sommes pas sûrs de ce que c’est. Les souvenirs de qui j’étais et où j’ai vécu sont importants pour moi. Ces souvenirs m’aident à continuer chaque fois que mon voyage devient plus pénible.

Et je sens toujours qu’ils sont irremplaçables et le seront de plus en plus au fur et à mesure que mes pas deviennent plus lents. À ce moment-là, j’aurai besoin de la mémoire de la magie afin de la faire revivre. J’aurai besoin de savoir et de me rappeler.

Afin de la partager avec vous.

Robert McCammon

A.S.: