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Chronique symbolique et poétique de Patrick Carré : « Etonnement, Doute, Responsabilité »

Patrick Carré poète, philosophe, et Franc-Maçon vient sur GADLU.INFO nous offrir une chronique pour nous parler et donner du « sens », pour recentrer la réflexion sur les Maçons eux-mêmes. Sa signature est « Etre bien en soi-même, sans se déconnecter du chaos ambiant« .

Aujourd’hui une chronique  sur les thèmes « Etonnement, Doute, Responsabilité« , où les deux modes de réflexion des Maçons : philosophique et symbolique, se succèdent pour traiter succintement des mêmes thèmes.

… utile pour préparer la réflexion …

Etonnement, Doute, Responsabilité

« Etonnement, Doute, Responsabilité ». Ce triptyque est fondateur de la « philosophie », au sens premier grec d’« amour de la sagesse » (de « φιλεῖν, philein, aimer » et « σοφία, sophia, sagesse ») car il illustre le cheminement de la pensée depuis l’étincelle première de « l’étonnement », initiant la lumière noire du « doute » destinée à se métamorphoser un jour en flambeau d’être « responsable ». Sur ce chemin, la réflexion philosophique et la pensée symbolique sont destinées à se compléter pour élever conjointement les « niveaux » de savoir et de connaissance de l’être pensant.

L’ « étonnement socratique », le « θαυμάζειν, thaumazein, émerveillement » de Socrate, est pour Platon et Aristote « au commencement » de la philosophie, et derrière l’émotion qui déclenche l’étonnement, ils décèlent la manifestation de l’« ἀρχή, arkhí, début, origine, commencement » qui la précède et la rend initialement possible. Mais se tourner vers l’ ἀρχή ne conduit-il pas à être déterminé par lui ? C’est pour sortir de l’ignorance révélée par l’étonnement que les hommes s’adonnent à la philosophie, cette quête ayant paradoxalement pour effet de dissoudre l’étonnement qui la génère, car au final il n’y a pas de place pour l’étonnement dans le savoir

Le doute (du grec « αμφιβολία, amfivolia », composé de « ἀμφί, double, de part et d’autre, autour » et « βολή, bolê, jet ») écartèle l’être pensant entre le dicible et l’indicible, entre l’énoncé d’une vérité relative et le sentiment incertain de sa véracité. Le doute fondateur de la méthode scientifique depuis Descartes, dynamise et conduit le questionnement menant du physique au métaphysique, en démontrant ou affirmant des vérités que chacun pourra re-démontrer et intégrer « à volonté ».

La responsabilité, à l’origine à la charnière de droits et de devoirs prédéfinis par la morale collective et l’éthique individuelle, est destinée à se renforcer au « niveau » du « Devoir » charnière entre la connaissance et la conscience. Et pour relier en force et en puissance ces deux niveaux, un seul vecteur : le travail ! On se complait à rattacher le mot « travail » à sa racine latine « tripalium, instrument de torture à trois poutres », et à écarter sa racine grecque « ἔργον, travail, action, événement », pourtant autrement plus dynamique et de nature à responsabiliser ceux qui le glorifient…

Quand la réflexion philosophique tend à capturer dans les filets du langage le sens du monde et ses mystères, la pensée symbolique les en libère et relie ce qui porte un nom à ce qui n’en porte pas, projetant l’être pensant dans la dimension verticale de l’esprit sans laquelle toute parole reste lettre morte.

L’étonnement est la plus indicible des perceptions ou des sentiments, et sa raison d’être apparente, l’émotion, ouvre à la pensée, dans l’instant de sa fulgurance, un champ de réflexion à la fois imprévisible et indéterminé, un champ que le penseur ensemence avec application d’idées appelées à germer et croître pour être récoltées et nourrir son appétit de connaissances.

Cet étonnement prélude au cheminement d’une pensée libre de s’affranchir des modèles de pensées uniques, quitte à subir l’ire et le rejet des penseurs référents et de leurs académies dogmatiques, car chaque penseur est libre de s’affranchir de ses propres modèles de réflexions bornées de limites à ne pas transgresser. Mais de manière « étonnante », la pensée qui transgresse et met du chaos là où règne l’ordre établi, « initie » par un questionnement « régulier » une circularité des idées éclairant le cheminement de l’être pensant, symbolisée par l’Ouroboros, le serpent qui se mord la queue, le soleil noir sans point central des alchimistes. C’est le temps du doute et de la sécrétion régulière de bile noire qui l’accompagne, aux racines de la mélancolie de l’Artiste (de « μέλας, mélas, noir » et « χολή, khōlé, la bile »).

Alors « étonnamment », l’ordre à nouveau tend insensiblement à régner dans le chaos, s’emparant de l’espace enserré par l’Ouroboros pour que s’y rapprochent et s’unissent des éléments jusqu’alors désunis, jusqu’à fusionner et « délivrer » leur propre lumière, leur « soleil d’or ». Chacun(e) devient « responsable » d’une « centrale » de lumière éclairant le sentiment d’un Devoir en cours d’accomplissement, si dense qu’il transcende toute règle pour s’emparer du cœur de « l’être de Devoir ».

Le travail conduisant l’être pensant à l’être de Devoir, parsemé d’espaces insensibles et de temps indéterminés, est de « nature » à écarter les penseurs conventionnels forts de leurs certitudes et de leurs idéologies, mais il peut éclairer en conscience l’amour de la Sagesse dès que surgit l’étincelle de l’étonnement et sa promesse de flambeau. A charge pour chacun(e) d’apprendre à « saisir » cette étincelle, qui ne surgit pas n’importe quand, n’importe où …

Ce mode de pensée symbolique « tranche » singulièrement avec la réflexion philosophique, la « connaissance » de l’une éclairant le « savoir » de l’autre, deux modes d’appréhension du monde accolées ou éloignées l’une de l’autre d’une distance juste nécessaire en chacun(e) pour déclencher ses prises de conscience et pour avancer à son pas sur le chemin de l’accomplissement spirituel.

Patrick Carré


Patrick Carré, né le 14 janvier 1953, est poète, philosophe, et Franc-Maçon français. Son œuvre littéraire et artistique comprend un nombre considérable de poèmes et de textes philosophiques principalement sur l’Initiation Traditionnelle à la vie spirituelle.

Initié à 23 ans à la Grande Loge de France, il est membre de la Juridiction du Suprême Conseil de France, de Rite Ecossais Ancien et Accepté.

Diplômé de Philosophie (Faculté de Rennes), de Gestion (IGR et Enass), d’Arts Plastiques (Institut Van der Kelen-Logelain à Bruxelles et CAP de potier tourneur).

Son site internet « Patrick Carré Poésie » http://www.patrick-carre-poesie.net/  de 1000 pages, premier site de langue française d’études et de poèmes d’un Franc-Maçon avec plus de 800.000 visiteurs, concentre ses travaux et recherches sur l’Initiation Maçonnique, en particulier tous les degrés du Rite Ecossais Ancien et Accepté (REAA), symbolisant l’Œuvre alchimique de perfectionnement et de transformation intérieure des Maçons.

Livres et disque

  • Livre « Francs-Maçons Alchimistes » (2015) (Editeur LiberFaber http://liberfaber.com/fr/accueil.html )
  • CD « Le Flambeau » (incluant le recueil des 12 poèmes) (2013)
  • Livre « Cathédrales » (2006)
  • Livre « La Femme Chair, Cœur, Esprit » (2006)

Conférences

  • Pensée symbolique et pensée sensible, illustrées par Dürer
  • La pensée symbolique
  • La Femme et la mixité en Franc-Maçonnerie
  • La poésie en Franc-Maçonnerie
  • L’univers du potier tourneur
  • Le vitrail alchimique de la Cathédrale d’Orléans

Membre aux USA de la Masonry Poetry Society ( http://www.mpoets.org/ProceedingsNo7.htm )

Lauréat France Musique Contes du jour et de la nuit (émission du 12/06/2014) ( http://www.francemusique.fr/emission/contes-du-jour-et-de-la-nuit/2013-2014/selection-france-2-du-4e-appel-ecriture-patrick-carre-5-5-06-12-2014-00-00 )


A.S.:

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  • Avec cinq années de recul je relis avec intérêt ce commentaire du Frère Jeff Barani ... il résume tout à sa manière ... car tout ce qu'il condamne est l'armature même du travail maçonnique ... d'abord une pensée qui cherche ... et si possible difficile (c'est pourquoi les sujets à traiter en Loge sont donnés par le Vénérable et ne doivent surtout pas être du réchauffé...) ... et le meilleur de ce commentaire : re-lire ce texte comme une corvée, re-chercher, re-commencer, c'est-à-dire penser plusieurs fois à un sujet ... ce qui constitue un vrai travail rituel cyclique ... la clé de toute transformation "régulière" ... tout çà balayé d'un revers de main ... ben oui ... moi je ne caresse pas mes lecteurs dans le sens du poil ... mes études comme mes livres et vidéos youtube sont là pour "initier" des réflexions chez les hommes et les femmes qui me font l'honneur de me lire et m'entendre ... et merci à GADLU INFO de participer à ces partages fraternels de connaissances ...