X

AU CHEVET D’UN MONDE FIÉVREUX – texte complet –

Jacques Fontaine ose descendre aux racines naturelles de l’homo sapiens. Il découvre une autre manière de vivre ensemble.

AU CHEVET D’UN MONDE FIÉVREUX

Des marionnettes rebelles ?

L’effarant déploiement des technologies atteint le monde entier, en déclenchant, avec la consommation, un état fébrile. Nous devons, pour y voir plus clair dans les causes de ces symptômes, rappeler un facteur, encore plus indépendant de notre volonté humaine. La fièvre commence avec lui.

La prolifération

Un saigneur

            Oui, un « saigneur » mais aussi celui qui se prend pour un seigneur, objet du chapitre suivant. Il n’est pas de bon ton d’employer le terme de prolifération pour les humains. Comme un air sans doute trop péjoratif. Il peut être vécu comme une atteinte à notre dignité. Les religions et leurs sœurs n’ont eu de cesse de nous le répéter. Il faut lire sans frémir Genèse 1.29 : « Soyez féconds, multipliez, remplissez la Terre et l’assujettissez et dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, et sur tout animal qui se meut sur la terre ». Ce que nous avons fait dare dare. Ite missa est !  Avec les conséquences actuelles écologiques que nous vivons et qui émanent des rapports du GIEC[1]. Il regroupe 196 pays et, sans doute, on peut tenir pour sérieuses ses conclusions : changement climatique où nous avons notre large part depuis 1950,avec les gaz à effet de serre .Des conséquences déroutantes par leur ampleur : effondrement de la biodiversité en toute connaissance des humains, épuisement des ressources naturelles, impact enfin sur nos activités comme la santé, l’économie et l’équilibre de notre biotope : avec la fonte des glaciers, de la calotte polaire, de l’acidification  des océans. Je n’en jette plus !Tout cela est bien connu et beaucoup regimbent devant l’annonce de l’effondrement du système socio-planétaire, dans quelques décennies[2]. L’épidémie actuelle est une des conséquences naturelles de ce gâchis de nos ressources : notre niche écologique se renouvelle de plus en plus tard. L’éthologie[3] nous apprend que, dans un tel cas, il est fréquent que l’espèce soit la cible de maladies virales, bactériennes. Jusqu’alors, les humains ont su parer, par la médecine, la pharmacie, ces fléaux. Or les microbes deviennent de plus en plus résistants aux antibiotiques. Trouvera-t-on, cette fois-ci, un nouveau bouclier ? Ou serons-nous obligés de nous courber sous la fréquence d’une loi écologique qui voudrait enrayer notre prolifération ?

            Nous avons en tête des nombres effrayants : 7,5 milliards d’humains, une folie nataliste. N’avons-nous pas su, il y a 30 000ans, nous protéger contre une nature hostile grâce à notre conscience ? Aujourd’hui, face à nous (je ne peux écrire « en compagnie »),  465 000 éléphants contre 3 à 5 millions au début du XXe siècle, 3890 tigres et un tiers des insectes en voie de disparition. Tenez un micro exemple de dégradation mais bien symptomatique de notre laisser-aller : En France, les géants de l’assainissement ont le droit, en cas de gros orage, de déverser en bord de mer 5% des eaux d’égouts. Résultat : les parcs à huîtres sont infestés par le norovirus. Un microbe qui déclenche chez les gourmands, des gastro-entérites. Mais à Arcachon, ce trop-plein d’eaux sales est largué au large. Doit-on, enfin, pleurer, à présent, sur le martyre des animaux d’élevage intensif ?

            Les rationalisations vont bon train chez les climato-sceptiques, soutenues par 5% des scientifiques. Comme ils ne peuvent supporter leur culpabilité humaine, Ils en concluent que nous devons continuer à croître, prospérer et exploiter. Que ne s’associent-ils pas au précepte de Mahavira, Ayaram Gasutta, porteur d’une des clefs du jaïnisme 680 avant JC – « On ne doit tuer, ni maltraiter, ni injurier, ni tourmenter, ni pourchasser aucune sorte d’être vivant, aucune espèce de créature, aucune espèce animale, ni aucun être d’aucune sorte. Voilà le pur, éternel, et constant précepte de la religion, proclamé par les sages qui comprennent le monde ». Ne l’aurions-nous pas compris, ce monde dont nous sommes les saigneurs ? Ajoutons l’énorme concentration dans les villes. L’urbanisation galopante a une conséquence sur nos mentalités et nos vécus : le collectif d’entassement est, en réaction, générateur de cet individualisme insupportable que recueille la consommation, soutenue par l’hyper-capitalisme avivé par les technologies. Réponse là aussi évidente mais  qui se révèle, pour l’instant dans le monde, dystopique[4]  encore:  le retour à la nature, l’agriculture saine, la vie de campagne… On parlera, pour les urbains, de « déracinement », d’abord de son énorme ville, de sa région surpeuplée, de son pays d’origine. On en voit les effets avec les migrants. Mais je crois aussi que le déracinement permettrait de faire émerger une conscience de « citoyen du monde ». Je cite Marc Augé, questionné par M Atlan et RP Droit : « Idéalement, le déracinement est au contraire un progrès. Que les gens se détachent de leurs « racines », je suis farouchement pour. Cela permet de passer de l’individu culturel à l’individu générique ». Intéressant, non ?

            Le comble, parmi ces milliards d’humains, beaucoup vivent dans la misère ! L’eugénisme pourtant n’est pas, pour moi, envisageable. Mais la limitation des naissances est d’une urgence impitoyable. Surtout que 25% au moins des grossesses ne sont pas désirées (OMS). Se reproduire selon la pente la plus naturelle ne conviendrait donc plus du tout à notre espèce prédatrice.

            Comment agir dans cet imbroglio de circularités ? Dès les années 70 Arne Naess criait : « L’espèce humaine est la première sur Terre ayant la capacité intellectuelle de réduire son nombre consciemment et de vivre dans un équilibre durable et dynamique avec les autres formes de vie ». De même, , ce qui rend la situation « particulièrement critique » ne tient pas uniquement au nombre d’habitants mais à « une croissance exponentielle, et partiellement ou totalement irréversible, de la dégradation ou de la détérioration environnementale, perpétuée par le biais de moyens de production et de consommation parfaitement établis, et l’absence d’une politique adéquate au regard de l’augmentation de la population humaine ». Depuis, partout des personnes fournissent des idées. Balise historique, le Club de Rome, dès 1972, prônait une croissance zéro pour éviter l’effondrement annoncé pour les années 2040. Le rapport de 2012 ose même l’apocalypse pour 2030. Ces rapports soulignent le risque dégradation inéluctable de l’environnement.  Déjà le lien dans la complexité, vecteur des autres liens. À quand la conciliation entre notre voracité et l’écologie ?

            Et aussi des changements à notre portée plus immédiate comme le recyclage systématique : « L’humain ne serait plus celui qui pille et salit, mais celui qui produit intelligemment et de manière durable[5] ». Mais que penser de la pauvreté des mises en œuvre et de leur efficacité de bas étiage ? Le pôle nord étouffe sous une surface de plastique, de superficie égale à la France. Et, avec sa fonte en cours, l’hyper-capitalisme tonitrue sur la possibilité des forages !

            L’Accord de Paris sur le climat, de 2015. ? Un vœu pieux, furtif et masqué. Il est bien pentu le chemin qui nous mènerait, mènera ( ?) à une vocation écologique concrète ! Avec des États Unis qui ne veulent pas entendre parler ![6] Dans les rues de Pékin, j’ai failli étouffer à cause du brouillard de pollution. L’Avoir, l’immédiateté du plaisir, ces deux jumeaux sinistres, seraient-ils nos maîtres, dans notre consentement complice ? Et comment ouvrir notre cœur et notre esprit à la grande nature ? La natura naturata de Baruch Spinoza et aussi, surtout celle qu’il nomme la natura naturans ; H Bergson parlerait alors d’ « élan vital ». C’est un chemin de spiritualité certain ; cette spiritualité qui peut devenir un moyen de recouvrer son humilité et sa grandeur alliées. F Lenoir écrit avec tact et superbe : « Finis les fossés mentaux, autrefois si profonds, séparant les animaux des humains, les humains de la nature, la vie de la non-vie, voici venue l’idée du grand continuum ».

            Je vais maintenant vous inviter à analyser d’autres origines au trouble fiévreux du monde. Moins connu et moins retentissante., encore peu en vogue aujourd’hui. Auparavant, je vous propose de vous pencher sur une cause profonde de la ruine attendue de notre système, responsable de notre mentalité de « saigneur » que je viens d’esquisser avec les religions, qui en font un aria de victoire. Ce saigneur qui s’est toujours cru le maître du monde et l’a rendu malade. Regardons au macroscope[7] cette prétention folle, un agent pathogène de grande importance pour notre santé.

L’anthropocentrisme

Un seigneur


[1] GIEC : Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat

[2] Consulter le site Le climat change.fr. Complet, sans jargon et qui reprend les arguments des climato-sceptiques pour les rectifier.

[3] Éthologie – Selon Wikipédia, Étude scientifique du comportement des espèces animales, incluant l’humain, dans leur milieu naturel ou dans un environnement expérimental. L’éthologie humaine est une science récente, des années 60. Ses conceptions sont, encore aujourd’hui, mal reçues par le « saigneur » qui plaide, avec entêtement, n’être pas responsable de que qu’il fait. Je consacre un chapitre suivant sur le déterminisme de la meute qui s’impose à nous. Tout mon article se fonde sur l’observation éthologique de l’humain : partir des réelles racines, celles de l’animal spécial qui vit en bande, pour mieux distinguer l’origine de la fièvre du monde et mieux en contrer les symptômes.

[4] « Dystopie », récit de fiction dépeignant une société imaginaire organisée de telle façon qu’elle empêche ses membres d’atteindre le bonheur.

[5] Citation de Michael Braungart, questionné par M Atlan et RP Droit. Voir bibliographie.

[6] Soyons juste : une moitié d’Américains sont sensibles à la dégradation du climat.

[7] Macroscope : néologisme de Joël de Rosnay pour signifier l’outil mental qui permet de dénouer la complexité.

TEXTE COMPLET : AU CHEVET D’UN MONDE FIÉVREUX

CLIQUEZ ICI

A.S.: